"La France a un besoin absolu de tourner la page des deux blocs organisés autour de deux partis"

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À l'occasion de sa venue à Dunkerque jeudi 19 janvier, François Bayrou a répondu aux Questions de la Voix Du Nord.

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La Voix du Nord - Qu'est ce qui a guidé le choix de Dunkerque pour votre premier meeting ?


François Bayrou - Je suis un homme du sud ouest et en choisissant la ville la plus au nord du territoire, je trace un pont à travers toutes les régions. J'aime beaucoup le Nord-Pas-de-Calais. J'y ai et j'ai eu des amis qui ont beaucoup compté dans ma vie, de André Diligent à Maurice Schumann. Et puis c'est une des régions dans lesquelles les difficultés sociales sont les plus importantes, et où la question de la rupture entre le peuple et les soi-disant élites se pose avec le plus d'acuité. Comme pour moi c'est une question vitale étant donné le milieu social d'où je viens, j'ai voulu en parler à Dunkerque.

LVDN - Les sondages vous placent désormais dans le quatuor de tête. Comment expliquez-vous cette percée ?

FB - Dans une campagne, comme pour une fusée, c'est le lancement qui est le moment critique. Nous avons réussi à faire entendre notre message dans cette phase. Cette constitution de socle fait que le paysage de la campagne est désormais à peu près fixé. En 2007, les Français n'étaient pas tout à fait mûrs. Peut-être le sont-ils aujourd'hui. Moi en tout cas, je suis au rendez-vous et les équipes qui m'entourent sont très professionnelles et expérimentées. Ce n'est pas du bricolage. Ils sont là parce qu'ils croient en quelque chose.

LVDN - Ils croient comme vous que les grands partis sont en voie d'extinction ?

FB - Ils croient comme moi que la France a un besoin absolu de tourner la page sur la manière dont elle a été gouvernée depuis des décennies, avec ces deux blocs organisés autour de deux partis, que j'appelle les PPP, partis provisoirement principaux, qui se sont installés dans l'État et en réalité ont perdu un grand nombre des valeurs élémentaires que les Français exigent dans leur propre vie.

LVDN - Par exemple ?

FB - Le rapport à la vérité. Au pouvoir le message a été que tout allait bien, et dans l'opposition, que tout était de la faute du gouvernement. Dans l'histoire de la perte du triple A, il y a des années que j'ai dit aux Français qu'on les menait dans le mur, que vivre à crédit était purement et simplement impossible. Personne n'a écouté. Aujourd'hui, le pouvoir dit que ce n'est pas grave, le PS dit que c'est la faute du pouvoir. Je dis qu'il y a coresponsabilité, car lorsque le pouvoir prenait ses décisions désastreuses, le PS protestait, non pas pour qu'on dépense moins, mais pour qu'on dépense plus !

LVDN - Pour Marine Le Pen, vous êtes vous aussi coresponsable, ayant été plusieurs fois ministre.

FB - Le message de madame Le Pen est mortel pour la France avec ses deux idées principales. La première étant de dresser les Français les uns contre les autres en regardant l'origine ou la religion. La deuxième étant de sortir de l'euro. Si cela se produisait, ce serait la misère pour tout le monde, car il faudrait rembourser en monnaie faible une dette en monnaie forte, donc pomper encore 30 ou 40 % de plus sur les ressources du pays. Comment peut-on soutenir des idées aussi dangereuses ?

LVDN - Une fois élu, que feriez-vous face à la crise de l'euro ?

FB - Depuis le début de la crise, j'affirme que si nous sommes en désaccord avec les Allemands, il faut le dire et ne pas faire semblant d'être d'accord car cela fera aussi progresser la réflexion en Allemagne. La France aurait dû refuser qu'on laisse la Grèce faire faillite et demander que la banque centrale assure cette dette souveraine. Parce que de dégradation en dégradation on arrivera bien sûr à une intervention, personne ne voulant laisser le système s'écrouler, mais cela coûtera dix fois plus

LVDN - Quand le thème du « produire français » s'est-il imposé à vous ?

FB - Cela fait des années que je nourris cette idée. Depuis que je combats les déficits et la dette. Chômage pouvoir d'achat, déficit et dette, c'est la même chose. Nous sommes un pays qui se vide continuellement de ses ressources. Contrairement aux Allemands et aux Italiens, nous avons vécu dans l'idée complètement fausse selon laquelle la France, pays d'ingénieurs, pouvait devenir un pays de financiers, et que l'on pouvait très bien vivre sans produire. Il faut reconquérir les productions que nous avons laissé partir.

LVDN - Le textile par exemple ?

FB - C'est un bon exemple. L'Allemagne vient de reconquérir en quelques années 50 % de la production de vêtements « sportswear ». Il y a un marché pour les vêtements de qualité. Il faut reconquérir les produits en commençant par les gammes pour lesquelles le coût du travail n'est pas vital. Par exemple, l'Europe ne fabrique plus un écran plat, un produit hautement technologique. Pourquoi viennent-ils de Corée, un pays plus petit que la France, sans ressources naturelles et où le prix du travail est à peu près le même que chez nous ? Quelle fatalité y a-t-il pour que l'Europe, avec 500 millions de consommateurs, soit incapable d'occuper un marché aussi important ?

LVDN - Pour vous, le problème ne vient pas du coût du travail ?

FB - Cela compte, mais je suis en désaccord avec l'idée selon laquelle on pourrait s'en tirer en baissant le coût du travail. Non ! On ne peut pas faire la course avec la Roumanie, l'Inde ou la Chine. Il faut inventer des produits mieux adaptés à nos consommateurs, être à l'avant-garde des consommations de demain, en soignant la qualité, le design, tout ce que les Français ont su faire pendant des siècles. On est en train de subir jour après jour une hémorragie de nos ressources et on s'étonne après de s'appauvrir. À côté de nous, avec la même monnaie et le même coût du travail, l'Allemagne, elle, s'enrichit par dizaines de milliards par an. Il faut relever ce défi, autrement le modèle social français n'y résistera pas.

LVDN - Peut on mener ce combat pour le « made in France » tout en militant pour l'Europe ?

FB - D'abord, je ne dis jamais « made in France » mais « produit en France » car on doit aussi défendre notre langue ! Ensuite, je ne suis pas pour le protectionnisme. À chaque fois qu'on a fermé les frontières, cela a causé des malheurs et cela n'a jamais marché. Mais, comme Européen, je rappelle que la solidarité, la sécurité sociale, les services publics, sont entièrement financés par des ressources nationales, impôts et taxes. Nous avons donc un devoir de rétablissement et de reconquête. Deuxièmement, l'Europe ne se portera bien que si tous les pays qui la composent se portent bien.

LVDN - Vous êtes contre la TVA sociale mais pour une hausse de la TVA. N'est-ce pas contradictoire ?

FB - Non. La TVA est un impôt fait pour alimenter le budget, comme l'impôt sur le revenu. L'État est en déficit gravissime. IL faudra donc pour rééquilibrer le budget modérer les dépenses et augmenter les recettes. Une augmentation modérée - d’un point et demi à deux points - de la TVA est indispensable pour rétablir l'équilibre du budget de l'État à court terme. S'agissant de la TVA sociale, on nous explique qu'elle frappera uniquement les importations. Ce n'est pas vrai. Elle frappera évidemment tous les produits y compris ceux fabriqués en France. Et si l'on veut vraiment baisser les charges sur le travail, il faudrait une augmentation d'au moins cinq points. La TVA à 25 % pour les salariés, les chômeurs, les retraités, vous pensez que ce serait indolore ? Tout cela est mal réfléchi. Je ne dis pas qu'il n'y a pas trop de charges sur les entreprises, mais c'est une réflexion de longue haleine. J'ai proposé qu'elle prenne trois ans pour qu'on se mette bien d'accord sur ce qu'on peut faire. Vous croyez qu'on peut résoudre les choses dans un sommet social de trois heures ? Vous ne pouvez en sortir qu'avec des positions de blocage. Bien gouverner c'est prendre le temps pour comprendre et convaincre.

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