"La nécessité de la présidentielle, c’est d’être tranchant et défenseur acharné de la vérité""

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François Bayrou a accordé une interview à la rédaction de l’hebdomadaire Marianne, samedi 4 février.

Marianne : Il y a en ce moment une actualité Bayrou un peu particulière ; un trouble, un doute qui monte sur vos intentions véritables. Vous disposiez depuis les deux dernières présidentielles d’un capital de sincérité construit sur le refus des ralliements, la solitude dans la pureté plutôt que les arrangements ; vous nous avez fait, dans ce registre, des tirades qui ont convaincu beaucoup de Français. Au-dessus du clivage droite-gauche, vous vous adressez aux électeurs de tous bords en les appelant au rassemblement pour tourner la page du quinquennat de Nicolas Sarkozy, cet « enfant barbare » qui avait abîmé la France. Or, voilà que vous donnez une grande interview au Figaro magazine : neuf pages guère critiques envers le président ou son bilan. Puis vous critiquez le discours de François Hollande parce qu’il se donne comme adversaire le pouvoir de la finance, ce qui semblait jusqu’ici exactement votre ligne. Enfin, vos proches s’activent à multiplier les ralliements auprès des soldats perdus du sarkozysme. Alors, on se dit que vous êtes en train de vous repositionner à droite toute pour jouer l’alternative face à un effondrement définitif – ou la non-candidature – de Sarkozy. On se trompe ?

François Bayrou : Qu’un journal comme Marianne, que je prends pour le défenseur de la liberté d’expression, puisse reprocher à un candidat à la présidentielle de donner une interview au Figaro Magazine, excusez-moi, mais c’est cela qui jette un trouble sur votre vision des choses ! Vous avez bien changé ! Voulez-vous aussi me faire la liste des journaux dans lesquels j’ai le droit de m’exprimer ?

M : On ne vous reproche pas de vous exprimez dans le Figaro Magazine, on se demande si vous avez changé de stratégie…

FB : Comprenez une chose : pour gagner l’élection présidentielle, je m’adresserai au centre, à la gauche, à la droite. Et aussi à tous ceux qui ne savent plus où ils sont. Quant à Nicolas Sarkozy, j’ai mené contre lui des combats qu’aucun des hommes politiques français n’a menés, et notamment pas beaucoup de gens de gauche ! J’ai écrit un livre dont je ne retire pas une seule ligne et dont je prétends qu’il était le diagnostic le plus rude des choix de Nicolas Sarkozy, de sa remise en cause de l’orientation profonde de notre pays, de la France dans son histoire et de la République dans son idéal. Ce combat-là, je l’ai mené souvent seul, ou presque ! Seul avant 2007 contre la privatisation des autoroutes ! Seul contre l’affaire Tapie, avec, pour dire la vérité, pendant longtemps, un assez grand silence de la gauche ! De tout cela, je n’ai pas retiré une ligne. Mais, quand la gauche se met à dire des bêtises graves, à remettre en cause ce que toute ma vie j’ai cru de l’équilibre d’un pays, je le dis avec la même franchise. J’ai lu attentivement le programme du PS. A chaque ligne, il y a des promesses de distribution. On augmente l’allocation de rentrée scolaire d’un quart, on crée une allocation pour les étudiants, on multiplie les promesses. Soixante mille enseignants, 5000 fonctionnaires dans la police, la gendarmerie, la justice, 150000 emplois-jeunes, on laisse croire qu’on pourrait revenir à la retraite à 60 ans. Comme si on n’était pas en 2012, avec un pays en situation critique ! Au fond, c’est le programme de 2007 à quelques nuances près.

J’ai fait des gestes ces dernières années à l’égard du PS, en croyant à son évolution, des gestes qu’aucun autre dirigeant du centre n’a faits depuis des décennies ! En réalité, le PS a renoncé à se transformer. J’ai proposé en 2009 un parlement de l’alternance, qu’il a écarté. J’ai proposé un dialogue, qu’il  refusé parce que, à l’époque, c’était beaucoup plus facile de continuer comme avant. Alors que c’est Zapatero qui a fait, en Espagne, la politique la plus rude, et Papandréou en Grèce, et Socrates au Portugal… Si le programme de François Hollande était appliqué, la catastrophe arriverait : comme j’ai prédit il y a cinq ans la catastrophe d’Hollande. On fait croire aux Français qu’il suffit de changer de dirigeants, alors que le véritable et le seul enjeu, c’est le changement de modèle.

M : N’avez-vous pas plutôt été pris à revers par le programme de François Hollande, plus prudent qu’on n’aurait pu imaginer ? Ce qui vous coupe un peu la route à gauche, laquelle, en revanche, pourrait se dégager à droite par l’effondrement du président…

FB : François Hollande, en ne prévoyant aucune économie sur les dépenses, fait courir un grand risque à la France. Notre déficit est aujourd'hui de 100 milliards d’euros. François Hollande a parlé de 29 milliards de recettes et 20 milliards de dépenses supplémentaires : cela ramène le déficit à 91 milliards. Continuer avec un déficit de 91 milliards, c’est aller vers l’effondrement ! L’équilibre des finances publiques ne peut être rétabli que par de vraies économies sur les dépenses et une augmentation des recettes : j’ai fixé 50 et 50 milliards. Pour les dépenses, j’ai proposé une méthode : ne pas augmenter la dépense publique (qui se monte aujourd'hui à 1100 miliards) pendant au moins deux ans. Si on respecte ce « zéro augmentation en valeur », on récupère, grâce à l’inflation, au minimum 25 milliards la première année et 25 milliards supplémentaires la deuxième année, puisque l’inflation est de 2,5% a minima. On se retrouve donc à flot en matière de dépenses en deux ans. Quant aux recettes, je propose une augmentation de la TVA de 1 point cette année et de 1 point l’année prochaine, ce qui rapportera 20 milliards d’euros ; j’ajoute une diminution des niches fiscales de 20 milliards – ce qi ne sera pas aisé à obtenir – et, je l’ai dit, je suis beaucoup plus exigeant que le PS sur l’impôt sur le revenu et l’impôt sur le patrimoine. François Hollande annonce 45ù de taux marginal d’impôt sur le revenu pour ceux qui sont au-dessus de 150000€ par part ? Moi, je dis 45% pour ceux qui sont actuellement à 41%, et au-dessus de 250000€ : 50% !
Bien sûr, on a besoin de faire respirer les salaires et les retraites, donc il faut compenser côté dépenses, euro pour euro, les postes que l’on décide d’augmenter. Cela demande un effort, notamment du côté des collectivités locales et de la Sécurité sociale.

Mais c’est un effort modéré et progressif : on y arrive en trois ans, sans coupes insupportables, simplement en se fixant comme objectif de ne pas dépenser pendant cette période davantage que nous ne dépensons aujourd'hui. Si nous ne le faisons pas, ce qui nous pend au nez, c’est l’Espagne ou la Grèce, avec leurs baisses de salaires des fonctionnaires et des pensions de retraite !

M : François Hollande a quand même précisé qu’il fera « ce qui est possible », mais que sa priorité « c’est le redressement ». C’est un langage nouveau à gauche ?

FB : Les précautions oratoires et les habiletés ne sont pas à la hauteur d’une élection présidentielle. La nécessité de l’élection présidentielle, c’est d’être tranchant. Jean Peyrelevade, expliquant pourquoi il me soutenait, a dit : "Dans l’état actuel du pays, je ne suis pas sûr qu’on puisse gagner en disant la vérité, mais je suis certain qu’on ne peut pas gouverner si on ne la dit pas". C’est cela, mon choix, je suis pour la défense acharnée de la vérité : comme on la voit, comme on la sent.

M : Cette « défense acharnée de la vérité » ne doit pas s’imposer seulement lorsque l’on a raison, mais aussi quand on s’est trompé : l’autocritique ne doit-elle pas se faire partie des obligations d’un homme politique qui prétend aux exigences qui sont les vôtres ? Vous avez approuvé, encensé l’Europe telle qu’elle se construisait. Aussi bien sa méthode, défendue de Monnet à Rocard, consistant à la construire dans le dos des peuples, que sa politique : la soumission au néolibéralisme, en rompant avec le protectionnisme raisonnable du traité de Rome pour l’ouvrir sans mesure à la concurrence internationale, ce qui a contribué à laminer l’industrie française. La crise a révélé la faillite de cette façon de faire que vous défendiez, et soudain l’Europe passe, dans votre discours, à la trappe. Elle n’occupe, soudain, plus que deux pages et demie de votre dernier livre : vous avez fait de votre soleil un trou noir ! Et vous passez sans transition au registre du « produisons français » du Georges Marchais des années 70 !

FB : Je trouve cette formulation très choquante. Si, pour vous, défendre le « produire en France », c’est dépassé, cela prouve que vous ignorez tout des réalités ! Pourquoi défendre le 'Produire en France' ? Parce que la totalité du financement de la protection sociale du pays (santé, retraite), la totalité du service public du pays (budget de l’Etat et des collectivités locales) sont entièrement assises sur les ressources nationales. Si vous vous désintéressez des ressources du pays, vous condamnez à mort le modèle social et le modèle républicain qui sont les nôtres. Le 'Produire en France' est en effet la question centrale de l’avenir du pays. Actuellement, nous perdons, en échanges de commerce extérieur, l’équivalent de 2,5 millions de salaires annuels, charges comprises. C’est donc une débilité affligeante que d’opposer la conviction européenne et l’obligation du redressement national. Depuis des années, je considère, c’est vrai, que l’Europe est mal ficelée. Le labyrinthe institutionnel dans lequel nous sommes plongés est offensant parce que personne ne connaît un des dirigeants de l’Europe, ne sait sur quoi on prend des décisions, ni ne connaît le mécanisme des prises de décision. Le Parlement européen est complètement zappé et effacé. Donc, oui, je dis qu’il y a une reconstruction nécessaire de l’Europe. Je vais vous donner raison sur un point : c’est vrai que la méthode Monnet est à reconsidérer sur l’idée implicite que l’Europe doit être faite par des gens sérieux, à la limite sans trop d’influence des peuples, et que la démocratie est à maintenir en lisière ; cette idée, je ne l’accepte pas. Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont pris de mauvaises orientations. Ils ont choisi pour les institutions européennes des dirigeants sur un seul critère : qu’ils ne leur fassent pas d’ombre. Pour moi, il faut au contraire des dirigeants identifiés, à la personnalité forte, pour faire avancer les choses.

M : Oui, vous êtes dans la déception critique, pas de proposition…

FB : Non, je propose une reconstruction. Le fond de l’affaire européenne est démocratique : il faut des dirigeants de plein exercice – c’est-à-dire élus – à la tête de l’Europe, avec un président de l’Union élu, que les peuples identifient, contre qui, s’il le faut, on puisse aller manifester. Je suis pour que la Banque centrale européenne [BCE] intervienne, directement ou par un organisme interposé, lorsque les Etats ont besoin de refinancer leur dette, avec des contreparties de remise en ordre. Je pense que les Allemands se sont trompés en faisant de la mise à l’écart de la BCE un dogme. La France a eu tort de ne pas manifester clairement son analyse. Le général de Gaulle aurait convoqué une conférence de presse en disant : 'Mesdames et messieurs, voilà ce que pense la France !', et cela aurait provoqué un débat, y compris en Allemagne.

M : Revenons à votre 'produisons français'. Vous ne nous expliquez pas comment des entreprises qui ne le font plus pourraient produire à nouveau en France. Cela semble confirmer que la réalité économique est l’impensé des hommes politiques français. Comment fait-on quand le marché met en concurrence des salaires variant de 1 à 20 ou 40 ? Vous ne pouvez pas à la fois dire qu’il faut produire français et que le protectionnisme est une horreur, ce que ne disent plus ni Giscard ni Rocard. Vous ne sortez de cette contradiction que par des grands mots. On est content de lire que « réhabiliter la création et réhabiliter le risque, c’est tout un », mais, derrière, pas de propositions. Sur votre site de candidat, ce n’est pas mieux : il est fait de petites phrases et d’un programme qui se résume à trois verbes « produire, instruire, construire ». Plutôt que de grandeurs économiques, vous préférez parler de « créer un mouvement psychologique pour tout le monde travaille ensemble ». Rien qui n’aide le chef d’entreprise !

FB : Le protectionnisme, c’est imposer aux autres des contraintes que l’on refuse pour soi-même. C’est tout le contraire que je demande : la loyauté et la réciprocité dans les échanges, les mêmes règles fondamentales, notamment environnementales, pour nos produits et pour les produits importés. Si nous ne sommes pas capables de reconstituer le tissu de production française, nous sommes morts. La France maîtrise les technologies les plus sophistiquées, mais elle est incapable de produire pour son marché et pour exporter des biens de grande consommation. La première des choses à faire est la reconquête des produits, en organisant le transfert des technologies des grandes entreprises à un tissu de PME à reconstruire et l’adossement de celles-ci à l’université et à la recherche. Deuxièmement, nous avons en France des réseaux de commercialisation et de distribution développés par les très grandes entreprises présentes sur tous les marchés de la planète. Il s’agit de les mettre en action au service de PME exportatrices. Troisièmement, il faut changer le climat social des entreprises : l’incapacité au dialogue social est un de nos principaux handicaps. Je suis pour que les salariés soient représentés au conseil d’administration des entreprises, avec droit de vote. C’est un pas vers la congestion. Quatrièmement, il faut des structures nouvelles de financement. J’ai suggéré l’idée d’une banque publique d’investissement dans l’entreprise. Cette idée semble être reprise dans beaucoup de programmes. Cinquièmement, il faut travailler sur l’image de marque du pays. C’est ce que les économistes appellent la « compétitivité hors coût » : la réputation de l’appareil productif. Pourquoi achète-t-on allemand ? Parce qu’on croit que c’est fiable. Sixièmement – aussi réac ou aussi communiste que ça puisse paraître à vos yeux -, il faut donner au consommateur français qui le souhaite la lisibilité de son achat. On a fait des labels de commerce équitable, bio… Il faut donner la possibilité au consommateur – je pense qu’un sur deux en a envie – de soutenir les produits faits en France. Si vous ne donnez pas un avantage compétitif au « produire en France », alors les entreprises vont fabriquer à l’étranger. On a 70 milliards d’euros de définit du commerce extérieur, l’Allemagne a 120 millions d’excédents. La Belgique, les Pays-Bas, sont excédentaires. Ils ont la même monnaie et le même coût du travail que le nôtre, et à peu près le même modèle social. Comment se fait-il que nous soyons soumis à une telle hémorragie ? Si on ne résout pas la question de l’école en même temps, si l’on ne comprend pas que ces deux questions sont intimement liées, on ne va pas tirer le pays de là où il se trouve, son modèle social va s’effondrer et son modèle républicain en même temps.

M : Si vous êtes élu, vous aurez à dialoguer avec Angela Merkel. Que comptez-vous obtenir d’elle ? Qu’est-ce qui vous rendra plus crédible que vos rivaux, notamment Nicolas Sarkozy qui a tenté beaucoup de choses avec elle, mais en vain ?

FB : Je serai plus crédible d’abord parce que j’aurai été élu : la confiance des français sera un premier avantage. Je connais personnellement Angela Merkel depuis vingt ans, bien avant qu’elle ne soit chancelière, bien avant qu’elle ne soit élue à la tête de la CDU. J’ai été l’un des créateurs du Parti populaire européen que j’ai quitté quand ce parti a abandonné le centre pour dériver à droite. Mais j’y ai gardé beaucoup d’amis. Je changerai de méthode : je retrouverai la méthode communautaire. Ce n’est pas à deux pays de prescrire aux autres actions et décisions. J’essaierai non seulement d’être proche de l’Allemagne, mais aussi d’associer d’autres grands pays qui, pour l’instant, sont exclus ou considérés en spectateurs. Je suis en désaccord avec cette approche hégémonique de ces dernières années et je suis en désaccord violent avec l’affirmation de Nicolas Sarkozy selon laquelle la loi de l’Europe, désormais, est la loi intergouvernementale : au contraire, la méthode communautaire est la seule qui puisse permettre à l’Europe d’exister. Autrement, c’est l’Union pour la Méditerranée, c’est l’impuissance et le blocage érigés en système ! Mon fédéralisme est de type coopératif ; comme dans une coopérative agricole, il est décentralisé. Il respecte les nations et les libertés. Le modèle fédéraliste centralisateur est un modèle qui ne marchera pas en Europe.

M : Vous faites l’éloge de la cogestion ou de la coopérative comme méthode de gouvernement, mais on a dénoncé votre manière de conduire votre mouvement. Vous donnez facilement le sentiment de croire que vous avez toujours raison, et cela incite à penser que vous seriez, vous aussi, un hyperprésident. Y a t-il des mesures qui pourraient démontrer que vous n’allez pas vous glisser dans les habits de monarque que tous les présidents de la 5ème République ont enfilé avec délectation ?

FB : Il y a une garantie absolue contre le risque que je sois un hyperprésident comme Nicolas Sarkozy : j’aurai besoin d’autres courants pour le gouvernement que je formerai. Je n’ai ni l’intention ni les moyens d’avoir un gouvernement MoDem pur sucre. Ce sera un gouvernement dans le quel il y aura cette sensibilité dont je suis très fier, celle du centre reconstruit et redevenu indépendant, mais nécessairement d’autres sensibilités pour former la majorité. La gauche réformiste, la droite républicaine, l’écologie responsable y auront toute leur place. Je n’ai pas l’intention de fusionner la démarche du président et celle du gouvernement. Il faut un gouvernement de plein exercice, qui ait de la liberté face au président de la République, il faut une Assemblée dont on coupera le lien de dépendance à l’égard du pouvoir exécutif, il faut rendre aux institutions la plénitude de leur logique. Qu’est ce que présider ? C’est inspirer l’action du gouvernement et en même temps représenté le pays réel au cœur de l’Etat, y compris les minorités qui ne participent pas au pouvoir ou les Français innombrables qui ne parviennent pas à se faire entendre. Il faut que le président de la République se sente en charge aussi des minorités que de la majorité. Il doit être capable de dire au gouvernement : << Sur ce point, je crois que vous vous trompez.>> Il a un rôle différent, qui est un rôle d’inspirateur et de fédérateur du pays. C’est ce que j’ai reproché à Nicolas Sarkozy, c’est qu’il s’est comporté en chef de clan, en chef de camp, en chef de parti recevant à l’Elysée sont parti pour décider de ce que l’on allait faire. C’est une erreur absolue ! J’ai propos » autrefois de modifier l’article 20 de la Constitution qui dit : << Le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation>> en << Le président détermine et conduit la politique de a nation>>. C’est une grande malédiction qu’un parti est tous les pouvoirs de bas en haut de la société française. Le pouvoir n’est bien exercé que quand il est limité : un Parlement qui organise le débat public en même temps qu’il vote la loi, une justice indépendante, des médias indépendants. Avec ça, on aura un nouvel équilibre de la 5ème République dont je serai un citoyen heureux.

M : A propos de médias, vous êtes moins offensif avec eu que dans la campagne de 2007. Ils ne vous négligent plus ?

F.B : Je trouve que cela a un peu bougé. Naturellement, on continue à mettre en scène Hollande et Sarkozy. Mais c’est moins flagrant que ça ne l’a été. Ils admettent que le premier tour se joue entre un quatuor. C’est un très grand progrès.

M : Vous êtes dans le quatuor, mais le plus éloigné des quatre, et encore loin, de la qualification. Vous devez pour cela quasiment doubler les intentions de vote. Au-delà des ralliements individuels de ceux qui quittent le navire UMP, n’avez-vous pas besoin d’un choc politique dans l’opinion, qui vous donnerait un deuxième souffle ?

F.B : Des soutiens se dévoileront – je n’aime pas le mot <> -  quand l’évidence montrera qu’il peut y avoir un deuxième tour où les Français auront le choix non pas entre changement et continuité (cette question me paraît tranchée), mais entre deux projet différents d’alternance, celui du PS et celui que je porte. Il y a beaucoup de gens qui s’interrogent, mais oseront-ils sauter le pas ? Par ailleurs, je n’ai aucun doute qu’un vrai centre autonome est entrain de se reconstituer. Et cela parce que l’UMP et le PS ont tout les deux rencontré leur heure de vérité. Et, si le PS gagnait, il trouverait une situation incompatible avec le programme qu’ils annoncent. Aussi, avoir reconstitué un socle à 15% avant même d’être entré en campagne, c’est avoir rempli la première parti du contrat. A partir de là, nous allons livrer la bataille. Et, je crois, la gagner.

M : Ce socle, vous l’aviez déjà reconstitué en février 2007, après, tout s’est bloqué…

F.B : Je suis alors monté jusqu’à 22% dans certains sondages, mais je n’ai pas su déjoué les difficultés, ou trouver la bonne réponse, ou peut-être que le pays n’était pas mûr ; je crois qu’il l’est aujourd’hui. Moi-même, sans doute, n’étais-je pas assez préparé à la possibilité de gagner. Pendant des années, j’ai été le seul à croire que ce chemin existait. Et tout le monde regardait ça avec une aimable ou moins aimable condescendance. Forcément alors on a des moments de doutes. Maintenant, je n’ai plus ce doute parce que je sais que le chemin existe. Les meilleurs journaux expliquaient que j’avais perdu mon électorat du centre droit et ne le retrouverais jamais. Aujourd’hui on s’aperçoit que ce n’était pas vrai,  qu’il revient, mais que les gens de gauche restent : Jean Peyrelevade, Jean-Luc Bennahmias, Yann Wehrling sont là, plus que jamais, etc. Il y a des chevènementistes qui sont entrain de venir qui s’identifient à ce combat. Tant mieux, si je peux réconcilier l’idée nationale à l’idée européenne : c’est le rêve de ma vie.

M : A suivre ce chemin que vous proposer –un gouvernement central incarnant l’unité nationale – n’enfermez-vous pas la France dans une seule perspective qui conduit à cette pensée unique que vous brocardiez jadis : "Quand on pense tous la même chose, on ne pense plus." Un parti central, n’est ce pas la négation de l’alternance, élément essentiel de la mécanique démocratique ?

F.B : En Allemagne, il y a eu un gouvernement central entre 2005 et 2009. Puis l’alternance c’est faite parce que les deux camps ont décidé aux élections suivantes de proposer une coalition de droite pour les uns et une coalition de gauche pour les autres. On sort donc d’un gouvernement central par le retour aux gouvernements latéraux classiques. Mais, aujourd’hui, j’estime, oui, qu’au moins pour cinq ans c’est en France la seule réponse politique. Une majorité Hollande-Mélanchon-Joly ne présentera ni solidité ni solidarité face à la situation qu’on va trouver. De même, , à droite, est-ce que l’UMP et les flirteurs du Front national ont la moindre chance de constituer une majorité crédible ?Donc il n’y a qu’une majorité possible : centrale. Dans les circonstances traditionnelles, c’est la majorité qui fait le projet. Cette fois, c’est le projet qui doit faire la majorité. Les Français se rendent compte qu’on n’en sortira pas sans un effort exceptionnel  de longue duré qui ne s’accommode pas de la stupidité d’une Assemblée coupée en deux, où l’on pointe le doigt sur l’autre en disant : « c’est votre faute ! » il n’ya en réalité entre des hommes comme Jacques Delors, aucune différence fondamentale, pas plus qu’avec certaines personnalité de la droite républicaine.

M : Rassembler de Delors à Douste-Blazy, n’est ce pas laisser un boulevard à Marine Le Pen ?

F.B : Je ne céderai rien à l’extrémisme. Rien. Le bal de Marine Le Pen à Vienne, invité d’honneur de l’extrême droite autrichienne, lève les masques. On parle du peuple français et on le conduit par le bout du nez vers l’extrême droite autrichienne. Pour moi, le peuple français en aucune de ses patries n’a quoi que ce soit avoir avec ce type d’extrême droite et avec ses obsessions. De surcroit je considère que es solutions que propose Marine Le Pen sont désastreuses. Et peut être mortelle pour le pays. Quand on se met à diviser un peuple selon l’origine – enlever les assurances sociales, les contributions sociales à ceux qui sont , par exemple, de nationalité étrangère – ca veut dire que les deux gamins assis à côté de l’autre sur les bancs de l’école on se met à les diviser et ils se divisent entre eux. On en peut s’en tirer que si l’effort d’unité s’applique au peuple sans distinction, d’origine ou de religion. Voilà sur quoi l’extrême droite surfe, en disant, par exemple, qu’ils vont récupérer 87 milliards sur les assurances sociales au détriment de ceux qui n’ont pas la nationalité française ! Ensuite, la sortie de l’Euro : ce serait la misère noire. Nous avons l’exemple de l’Argentine le niveau de vie y a baissé de 50 % en 6 mois et 53 % des argentins sont passé au dessous du seuil de pauvreté. Il leur a fallu 10 ans pour récupérer un semblant d’équilibre. Je ne concéderai rien à cela. Et cependant je défends l’idée que ceux que je combats doivent être représentés à l’Assemblé Nationale.

M : Est ce que les électeurs de Marine Le Pen font partie de vos préoccupations ?

F.B :  Non seulement ils en font partis, je m’adresse à eux ! Je parle à tout les Français sans les diviser ! On m’a accusé de « populisme » parce que je sui allé faire un discours à Dunkerque ! En France, désormais, aller parler aux ouvriers, c’est populiste ! Je met en accusation ceux qui font du mot « peuple » une injure. J’en ai été accusé mile fois ces dernières années parce que, simplement, je m’efforçai de rappeler que se sent exclu des cercles de responsabilité ou de pouvoir, peut être 80 % de la population française. Pas seulement ceux qui sont en difficultés économique : par exemple les médecins. On leur impose des choses qu’on ne leur explique même pas. Les magistrats se sentent exclus. Les profs se sentent exclus, insultés et désespérés, ils baissent les bras. Et naturellement les ouvriers et les paysans, et ceux qui ne sont plus ni ouvrier, ni paysan sont dans la même situation. Cela se sont les miens. J’habite toujours le village où je suis né, je suis parmi eux et je considère que je dois leur parler. Dans les milieux populaires, beaucoup de gens veulent rappeler à la réalité ce système de pouvoir autarcique et l’obliger à se reconstruire : je le propose de le faire de manière républicaine.

M : Pensez-vous que Nicolas Sarkozy, comme il en a récemment fait la confidence renoncerai à la politique s’il échouait.

F.B : Je ne crois pas un mot il le pense peut être, mais le virus sera plus fort la volonté d’avoir raison, même contre ceux qui l’aurait battu ou empêché de se représenter, serait plus forte…

Propos recueillis Eric Conan, Nicolas Domenach et Denis Jeambar.

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