"L'anti-discrimination, l’égalité et la fraternité, ce sont des valeurs républicaines élémentaires!"

François Bayrou s'est dit favorable "aux enquêtes sur la diversité", dans une interview à Respect Magazine, mercredi 29 février.

Respect Mag - À deux mois de la présidentielle, Respect Mag tend le micro à François Bayrou. Le candidat, qui souhaite créer un ministère de l’Egalité, dit vouloir lutter contre toutes les discriminations. Emploi, police, politique : il réagit ici à trois des propositions lancées par Respect Mag et Terra Nova pour "faire bouger la République".

François Bayrou - Depuis 2001, la loi sur les Nouvelles Régulations Economiques (NRE) demande aux entreprises cotées en Bourse de rendre compte de leur impact social, en communiquant notamment sur l’égalité hommes-femmes et l’insertion des personnes handicapées. Sans aucun référentiel commun. Nous proposons donc d’insérer dans la loi NRE des indicateurs précis et comparables sur le genre, l’âge, le handicap et l’origine, et d’obliger les entreprises de plus de 500 salariés comme les administrations à faire des progrès chiffrés sur ces critères. Pour que leurs effectifs soient représentatifs de la population de leur bassin d’emploi. Votre avis ?

RM - C’est une nécessité, et même une urgence, qu’il y ait du concret sur ces sujets, parce qu’il y a beaucoup de mots et peu de choses qui changent. Les populations frappées par les discriminations, qu’elles soient liées au sexe, à l’origine, au nom, à la religion ou à la couleur de peau, vivent ça avec des frustrations énormes. De ce point de vue, je trouve très bien d’aller vers des référentiels concrets et opposables, pour que les entreprises se disent "l’année prochaine, il faut qu'on ait progressé de tant de pourcents", ça me paraît juste que l’entreprise ressemble à son bassin d’emploi.

FB - Mais je suis plus réservé sur l’idée qu’il faille tout le temps des contrôles. Parce qu’en vérité, on l’a vu sur le handicap, ça ne change rien. Ce qu’il faut, ce sont des référentiels nationaux de progression, avec une adaptation locale en fonction des populations.

RM - Avec une question liée à l’origine ?

FB - Même si on les appelle "ethniques"- ce que je ne partage pas - je n’ai jamais compris qu’on refuse les enquêtes sur la diversité. Il m’a fallu vingt ans pour comprendre les frustrations et les découragements de nos compatriotes dont la couleur de peau les rend "visibles", comme vous dites. J’ai depuis compris que c’était un problème violent pour eux. Donc je ne vois pas pourquoi on refuse les statistiques de cet ordre.

RM - Vous reconnaissez qu’il y a des discriminations raciales ?

FB - Il y en a beaucoup. Dans le travail, le logement, les responsabilités. Même si je ne suis pas tout à fait sûr que le terme "racial" soit approprié… C’est vrai qu’il y en a et c’est contre ça qu’il faut se battre.
 
RM - Comment peut-on vérifier les progrès de l’entreprise si personne ne regarde objectivement ce qu’elle fait ?

FB - Grâce aux gens qui sont à l’intérieur. Je suis pour que les représentants des salariés soient dans les conseils d’administration. Pour qu’on ait, dans toutes les branches, une stratégie à laquelle les syndicats soient associés. On peut faire des choses sans augmenter perpétuellement la contrainte sur les entreprises.

RM - La contrainte a pourtant été nécessaire pour faire avancer la parité homme-femme…

FB - Et bien ça ne marche pas. Ni dans le monde politique, ni dans le monde de l’équité salariale. En revanche, sur l’équité salariale, je pense qu’il faut des amendes s’il y a des manquements à la loi. Et quand vous aurez des représentants des salariés dans les conseils d’administrations, alors vous aurez un contrôle par ceux qui sont sur le terrain.

RM - Mais chacun, sans même le vouloir, peut être porteur de préjugés et être à l’origine d’une discrimination…

FB - Je pense qu’il est très difficile d’effacer, dans une communauté, le repérage et le rejet de l’Autre. ça fait partie des pentes naturelles de l’être humain de dire : "regarde l’autre".

RM - Justement, les salariés censés contrôler la progression de l’entreprise peuvent eux aussi être sujets à ce genre de réactions. Faut-il les sensibiliser ?

FB - Non, il suffit d’en parler. Par exemple, je suis pour qu’à l’école il y ait des courts programmes sous forme de films, pour faire comprendre qui est l’Autre. Comment est ressenti le Noir chez le Blanc et le Blanc chez le Noir, avec toute la gamme entre les deux, qui est très hiérarchisée. Ce qui prouve qu’il y a encore des pas à faire vers l’égalité.

RM - Sans contrainte…

FB - On ne doit pas chasser les discriminations par obligation, mais pour que l’entreprise se porte mieux.

RM - Et si, dans dix ans, l’entreprise ne se porte pas mieux ?

FB - Mais elle se portera mieux, je n’ai aucun doute là-dessus ! Vérifions-le, faisons des enquêtes… Il faut que ça soit un mouvement interne, de même que la sécurité en banlieue ne doit pas venir de l’extérieur mais de l’intérieur, avec des forces de sécurité internes au quartier.

RM - Justement, notre deuxième proposition concerne la police. Le lien de confiance avec les citoyens s’est détérioré, en partie à cause des contrôles au faciès. Pour les éliminer, nous proposons que les policiers délivrent un récépissé à chaque contrôle, mentionnant le matricule de l’agent, l’objet du contrôle et la signature de la personne contrôlée. Nous suggérons aussi de renforcer la formation à l’antiracisme et la lutte contre les discriminations lors de leur formation. Qu’en pensez-vous ?

FB - Qu’il y ait des contrôles au faciès, j’en suis persuadé. Qu’ils soient une part de l’exaspération, des jeunes en particulier, aussi. Mais je ne veux pas tomber dans un racisme anti-flics. Je ne suis pas opposé à ce qu’on donne aux personnes contrôlées un document. En revanche, je trouve inacceptable d’être obligé de signer avec son matricule : ça signifie "donnes-moi tes papiers" à l’envers. Or les forces de police sont investies d’une mission par la société, elles ne sont pas dans un rapport individuel. Elles ne sont pas là non plus pour qu’à chaque instant on leur demande des comptes. L’idée que "toi, je te repère et je t’aurais un jour", c’est vraiment détestable, dans les deux sens. Je ne veux pas plus de racisme anti-policier que de racisme anti-couleur. Ce qu’il faut, c’est faire naître la compréhension réciproque.

RM - L’idée d’une formation renforcée à l’antiracisme et à la lutte contre les discriminations ?

FB - Oui, une formation renforcée aux valeurs républicaines élémentaires. Et l’antiracisme l’anti-discrimination, la recherche de l’égalité et de la fraternité, ce sont des valeurs républicaines élémentaires.

RM - Face au manque de diversité dans les instances démocratiques, nous proposons que chaque parti réserve soixante circonscriptions à des citoyens issus des minorités, durant trois législations, puis de supprimer cette mesure.

FB - Tout ça, c’est de la blague et ça ne marchera pas. Aucun parti n’est propriétaire des circonscriptions. Et de toute façon, les partis mettront ces personnes dans des circonscriptions où elles ne seront pas élus, comme ils le font pour les femmes. Réserver des circonscriptions ne sert à rien. Il suffit de regarder la parité à l’Assemblée Nationale : nous somme au-delà de la soixantième place des pays démocratiques du monde. Il n’y a qu’une chose à faire, changer la loi électorale et mettre suffisamment de proportionnelle.

RM - Cela suffira-t-il à faire progresser la diversité ?

FB - J’en suis sûr ! Lorsque vous faites une liste pour les municipales, vous représentez tous les quartiers. Là, c’est la même chose. Vous serez obligés de représenter les origines, sensibilités, religions ou sexes pour aller chercher les voix des différents groupes humains.

Pour aller plus loin

Retrouvez la réponse de Nassurdine Haidari à cette interview en cliquant ici.

 

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