Discours de clôture du premier forum : "Urgent et durable, le redressement de la France"

Retrouvez en intégralité le discours de clôture du premier forum : "Urgent et durable, le redressement de la France", prononcé samedi 14 janvier.

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Mes chers amis, au terme de cette journée qui, j'en suis sûr pour beaucoup d'entre vous, aura été passionnante, car plus de cent contributeurs ont pris part à la discussion, ont fait part de leur expérience et ont quelquefois vigoureusement partagé conviction et certitude.

Au terme de cette journée, je voudrais faire un point sur ce premier sujet que nous avons choisi comme un des axes principaux, pour ne pas dire un des deux axes principaux de ce grand débat national qui va s'ouvrir avec l'élection présidentielle. Nous n'imaginions pas que ce débat aurait lieu le jour même où la France, hier soir, a appris qu'elle vivait un moment lourd de son Histoire, un moment qui a été ressenti comme tel par la majorité de nos concitoyens avec la dégradation de la note triple A de notre pays, l'agence Standard & Poors indiquant qu'il y avait, de surcroît, une chance sur trois pour que cette note subisse dans les mois à venir une deuxième dégradation.

Bien entendu, ceci a une résonance particulière au sein du peuple des citoyens français, résonance accrue par le fait que l'Allemagne a été confirmée dans sa note et que d'autres pays, les Pays-Bas, sont dans le même cas.

Cela permet de vérifier deux choses dont j'avais pris la responsabilité d'avertir les Français depuis de longues années.

D'abord, que la politique d'insouciance qui a été pratiquée depuis des années ne pouvait manquer de nous conduire à de graves risques. Nous y sommes.

Ensuite, que cette crise est, pour une grande part, une crise nationale. La preuve en est que ces pays que je viens de nommer, l'Allemagne, les Pays-Bas, avec la même monnaie que la nôtre, le même pacte social que le nôtre, présente un tout autre bilan. Pour l'Allemagne, je vous rappelle simplement les chiffres : en croissance 3 % (vous savez où nous, France, nous en sommes) ; au niveau de l’emploi avec une grande vague de licenciements en Allemagne à l'agence pour l'emploi parce que, dans de nombreuses régions allemandes il n'y a plus de chômeurs, et en enrichissement du pays.

Je ne dis pas que tout est bien chez les autres et tout mauvais chez nous. J'essaye d'éviter les simplismes, mais il y a là évidemment un symptôme frappant de ce qu’est aujourd'hui la réalité de la situation de la France comparée à celle de ses voisins.

Cette crise est la plus grave économiquement, psychologiquement, que la France ait vécue depuis plus de 50 ans. Elle a des ramifications nombreuses et elle ne provient pas d'une seule cause, naturellement, mais j'ai une certitude, c'est que cette crise, ce moment critique pour notre pays nous impose de tout reprendre à la source dans la stratégie nationale qui a été celle de la France, dans la décision publique aussi bien que dans la structure de l'État, dans les rapports de l'État avec la société et, notamment, avec les acteurs économiques.

Je veux vous dire ce que je crois : la tâche qui est devant nous, devant le peuple français pour les années à venir est la même que celle que la France a dû affronter en 1958. Les doutes sont les mêmes, la crise financière est la même. À l'époque, c'est auprès du fonds monétaire international que notre pays allait, comme on disait, faire ses fins de mois pour payer ses fonctionnaires et la capacité de rebond est, du moins je le crois, la même. Les ressources humaines, l'énergie, la capacité du pays n'ont pas changé.

Nous en sommes là, car de mauvaises orientations ont été prises, de mauvaises décisions ont été suivies. Il ne tient qu'aux Français de choisir un autre cap et ils le choisiront en choisissant un nouveau président au mois de mai.

Il faut que nous identifions la source de cette crise. La source est dans l'effondrement de la capacité de production de notre pays. Ses conséquences sont dans la chute de l'emploi, l'appauvrissement consécutif au déficit du commerce extérieur permanent est sans cesse accru et le déficit et la dette ne sont que les symptômes les plus frappants.

La stratégie que nous devons adopter, c'est de nous attaquer à la cause du mal et, alors, la démoralisation du pays cessera, la dépression que nous traversons vient du sentiment que la crise est sans issue, que nous ne pouvons pas en sortir.

Alors, nous croyons, je crois le contraire.

Nous pouvons en sortir, même s'il faudra des années, mais je préfère des années de mobilisation à des années de lamentation.

Nous pouvons en sortir à condition de choisir la stratégie claire et solide que la situation exige de tourner la page sur nos faiblesses et sur la première d'entre elles, la division du pays quand il s'agit de l'essentiel.

Je vais être plus précis encore. La vraie cause de la morosité française, de la dépression dans laquelle le pays donne parfois l'impression de s'enfoncer, ce ne sont pas les défis qui sont devant nous, c'est que nous n'avons pas encore commencé à nous y attaquer.

Nous avons cédé à l'agitation factice et repoussé sans cesse les décisions, les réformes qui s'imposent au lendemain et rien au fond n'est plus angoissant.

Retrouver la production : il n'existe aucun autre moyen de rétablir la situation de la France.

Il n'y a pas d'emploi sans production. Il n'y a pas d'intégration des jeunes dans la vie active sans production. Il n'y a pas de pouvoir d'achat sans production. Il n'y a pas de finances publiques en équilibre sans retour de la production et, symétriquement, il n'est pas de retour à la production sans retour à l'équilibre.

Alors, stratégie, le mot veut dire que l'on choisit une route, que l'on sait où l'on va.

Trop souvent, depuis des années, on a eu l'impression d'un grand désordre là où l'ordre aurait dû régner.

On a eu l'impression, pas l'impression, on a eu la certitude de l'improvisation, de la fébrilité, de décisions uniquement en réaction à l'actualité la plus immédiate. C'est avec cette immédiateté fébrile qu'il faut rompre. Il faut, c'est l'objet de l'Agenda 2012-2020, un calendrier d'action où la fixation du but à atteindre, de l'horizon que l'on définit, compte autant que les décisions d'urgence et c'est précisément cela que nous avons voulu en entrant aujourd'hui dans cet Agenda 2012-2020 qui précisera exactement les décisions, les périodes que nous allons choisir dans les années qui s'annoncent après l'élection présidentielle.

Juin 2012, après les élections législatives, c'est la rentrée parlementaire et les premières décisions d'urgence à prendre.

En 2015, c'est pour nous le terme du plan de rééquilibrage des finances publiques que je vais naturellement évoquer.

En 2017, il y aura, semble-t-il, une nouvelle échéance, si elle vient à son terme.

En 2020, au tournant de la décennie, la France devra avoir retrouvé son modèle de société et sa force.

Nous avons donc choisi d'obtenir en 2020, de fixer comme but au pays en 2020, nous avons choisi pour cet horizon la France productrice, une France ayant pleinement retrouvé sa capacité de production, sachant innover, produire et vendre, car seuls innover, produire et vendre peuvent assurer l'avenir de notre pays.

Nombreux sont ceux qui croient en réalité -et on l'entend bien sous les discours des uns et des autres- que c'est impossible. Pour moi, c'est cet aveu d'échec qui est impossible. D'abord, ce n’est pas avec sa tête que l'on dit non à l'abaissement, c'est avec son cœur ou avec ses tripes, comme vous voudrez, parce que, au fond, c'est la même chose.

C'est en ayant devant les yeux le visage de ses enfants, c'est avec ceux que la vie vous donne comme amis d'enfance, pour moi, amis de village, les ouvriers, les paysans, ceux dont les enfants prenaient, comme l'on disait, l'ascenseur social. C'est avec une idée de son pays, grande histoire, grande identité, grande puissance, chaque fois qu'il a été humilié ou amoindri, chaque fois il s'est redressé et ranimé.

Je sais bien que c'est difficile. J'en ai une preuve certaine. C'est que si ce n'était pas difficile d'autres l'auraient fait.

Je sais bien que c'est exigeant. Autrement, on n'aurait pas l'impression de vide devant lequel les Français se trouvent.

C'est d'abord une question politique, c'est-à-dire une question de cohérence et, ensuite, de persévérance. Or, si les deux qualités que nous pouvons revendiquer sur les longues dernières années, vous et moi, c'est notre obsession depuis des années de la cohérence et notre abonnement depuis longtemps à la persévérance.

Cohérence et persévérance des qualités de résistance et ce seront, si les Français le veulent, des qualités de présidence. Il faut une détermination : cohérence et persévérance furent des qualités de résistance et ce seront, si les Français le veulent, des qualités de présidence.

Il faut une détermination, une stratégie, il faut que le pays s'y tienne dans le long terme et dans le court terme. Dans ce calendrier, le moyen terme et le long terme seront des étapes de la réalisation du même dessin : s’y tenir, maintenir l'effort, ne pas changer comme on le fait depuis des années tous les quatre matins pour satisfaire au dernier sondage, à la dernière tendance, comme l'on dit. Tout cela, tenir et maintenir, c'est le début de la confiance.

Pourquoi tant d'acteurs économiques n'investissent-ils plus ? Pourquoi ne prennent-ils pas les décisions qui s'imposeraient ? Parce qu'ils ne savent pas ce que demain sera. Dans un pays où l'on n'est même pas sûr, la remarque vaut pour les uns et pour les autres, de ceux que j'appelle les PPP, partis provisoirement principaux ! Dans un pays où l'on n'est même pas sûr qu'ils maintiendront une demi-journée, les annonces principales qu'ils font à destination des Français sur la fiscalité, sur la fusion de la CSG avec l'impôt sur le revenu, sur le quotient familial, sur le mariage homosexuel, ce qui est annoncé le matin est dénoncé l'après-midi.

Alors, on se demande s'ils ont réfléchi avant de parler.

On a l'impression qu’en fait ils réfléchissent comme réfléchissent les miroirs, ils réfléchissent les sondages ou ce qu'ils croient être décrit dans les sondages, car ils ne parlent pas pour dire le fond des choses, ils ne parlent pas pour mettre dans le débat ce que, comme homme d'État ou comme homme tout court, c'est encore mieux, ils ont de plus précieux, de conviction chevillée au corps.

Ils parlent, ils annoncent, ils publient pour dire ce qu'ils croient que les gens veulent entendre.

Et bien, ceci n'est pas notre démarche. Ce n'est pas notre conception ni notre pratique.

Je crois que l'on dirige un pays, que l'on construit son avenir avec des orientations de fond, avec des choix qui engagent, que l'on peut expliquer à tous, d'abord et surtout à ceux qui n'ont ni relation ni les codes secrets du langage des initiés.

Voilà pourquoi je crois que conduire une action politique à la tête d'un pays, c'est d'abord un devoir de pédagogie civique.

Il y a eu une erreur d'orientation profonde et à laquelle il faut que nous répondions par une réorientation.

On s'est trompé en France depuis les années 80 et peut-être plus gravement encore au cours des années 90. Nous étions un pays d'ingénieurs, on a cru qu'il fallait en faire un pays de financiers.

Jean Peyrelevade a très finement analysé de quelle manière le modèle anglo-saxon, américain et britannique, appuyé sur la puissance que représentaient la Livre et le Dollar, deux monnaies de réserve du monde, a fasciné la planète.

La France avait un autre modèle de société, une société de producteurs industriels et agricoles. Elle en avait même fait un modèle politique assis sur de grands choix industriels que, de De Gaulle à Valéry Giscard d'Estaing, elle a maintenus.

Puis, paradoxalement, parce que c'était un gouvernement socialiste qui était au pouvoir dans la longue période où cette mutation est intervenue, dans les années 80 et 90, notre pays a, sans s’en apercevoir, subrepticement rendu les armes à l'autre modèle -celui où la maîtrise industrielle cédait le pas à la maîtrise financière sans condition- adoptant avec enthousiasme toutes les normes, notamment comptables et même juridiques qui n'étaient pas les nôtres et dont les marchés financiers était le parangon, le plus pur champ d'application. C'était un combat en réalité culturel et nous l'avons perdu. Peu à peu, nous nous sommes alignés.

Je n'ignore pas que cette politique industrielle d'État avait des défauts. Elle entraîna sans doute des erreurs et il suffit d'appuyer sur le bouton pour que l'on puisse en nommer quelques-unes et, alors, la mémoire dira : le Concorde et le plan Calcul et on stigmatisera cette attitude.

Il demeure que l'effacement de cette politique laissa notre pays sans stratégie, chacun jouant pour son compte, chacun des acteurs cherchant, comme l'on dit, à maximiser ses profits.

Résultat : les pays qui avaient une forte solidarité nationale, les pays à stratégie comme l'Allemagne, avec la détermination peut-être implicite, mais en tout cas partagée par tout le monde, de défendre la place de leur production, de défendre de vrais liens entre entreprise et banque, ces pays ont sauvé d'abord et porté ensuite leur appareil de production au plus haut niveau mondial et nous, nous n'avons, peu à peu, plus accordé beaucoup d'attention à l'appareil de production.

Et bien, je pense que nous devons affirmer devant les Français qu'il y a un grand enjeu dans cette élection présidentielle. Il faut changer de modèle. Au lieu du modèle financier, il faut retrouver le modèle d'un pays qui produit.

Retrouver la production, voilà la mère de toutes les batailles. Tout doit être subordonné à cette ardente obligation, ce qui signifie une chose très simple et très exigeante. Il faut que, dans les trois années à venir, à l'échéance 2015, notre pays ait réussi à inverser la tendance d'effondrement continu de la production qui dure depuis trente ans. Si nous voulons remonter au sommet de la courbe, il faut que, à un moment, dans les trois années qui viennent, la courbe s'infléchisse et cela, nous ne pouvons et, d'ailleurs, ne devons le faire qu’en nous appuyant sur les forces retrouvées de notre pays et dans le cadre d'une Europe qui, elle-même, doit avoir sur ce sujet une vraie stratégie.

J'ai prononcé ces mots : les forces retrouvées de notre pays.

Cette phrase est un choix politique, une affirmation politique qui oriente ma vision. Elle signifie que ce n'est pas de l'extérieur que viennent nos faiblesses, donc ce ne sera pas de l'extérieur que viendra notre redressement.

Il est vain de croire que c'est "la faute de la mondialisation" ou que c'est "la faute de l'Europe" ou "la faute de l'Euro". La mondialisation est en marche depuis des siècles, elle sera dans l'avenir plus ou moins fluide, notamment pour des raisons qui tiennent, par exemple, au prix de l'énergie, mais n'écoutez pas les menteurs ! On ne refermera pas nos frontières et si l'on avait la folie de le faire, ce serait un drame parce que nous pouvons en apporter la preuve. Nous avons vu en grandeur réelle sous nos yeux ce qu'il advenait dans le même pays, dans la même société, de l'évolution parallèle d'une société fermée et d'une société ouverte.

L'Allemagne de l'Est et l'Allemagne de l'Ouest, la Corée du Nord et la Corée du Sud. Deux pays identiques, deux sociétés identiques séparées par une frontière artificielle.

D'un côté, on ferme, de l'autre côté, on ouvre. Point de départ identique et point d'arrivée terrible et dramatique pour les uns et spectaculaire et bienfaisant pour les autres.

Nous ne devons donc pas céder au mensonge. Il faut avoir la force et le courage d'affirmer que ce n'est pas en fermant les sociétés qu'on les sauve, mais c'est en acceptant qu’elles demeurent ouvertes.

C'est donc sur nos propres forces, sur notre propre capacité de réforme que nous devons nous appuyer pour construire la France productrice.

Je veux ici, en évoquant les forces retrouvées de notre pays, répondre à ceux qui m'ont objecté assez souvent que nous, courant de pensée européen, nous n'aurions pas dû poser la question sous l'angle national, mais sous l'angle de l'union uniquement. Je crois que, quoique bien intentionnés, ils se trompent et je voudrais vous dire pourquoi. Bien entendu, je sais qu'il faut une stratégie européenne. Il y a des enjeux qui sont hors de portée d'un pays seul, mais deux raisons imposent que l'effort soit national : il faut une politique nationale de reconquête parce que la totalité de la solidarité s'exerce et se finance dans le cadre national.

Il n'est pas indifférent que les emplois soient situés en Allemagne ou en France ou dans un autre pays européen. Il n'est pas indifférent que les revenus soit localisés d'un côté ou de l'autre de la frontière. Dans un cas, ils acquittent les impôts qui soutiennent les services publics et des taxes sociales qui permettent de financer nos régimes sociaux et dans l'autre, non. Dans un cas, ils font solidarité et dans l'autre, non.

Il faut une politique nationale de reconquête, car il faut, dans le cadre de l'Union européenne, un vrai équilibre entre les pays différents qui la forment et les sociétés différentes qui y vivent.

De même que, dans un pays donné comme le nôtre, comme la France, il faut un aménagement du territoire, des activités harmonieusement réparties, des régions équilibrées, de même il faut des activités au plus près des populations harmonieusement réparties dans l'espace européen.

Il faut, pour que l'Europe marche, qu’elle soit formée d'un ensemble de pays également en bonne santé et pas un déséquilibre entre des pays en santé éclatante entourée d'autres, de jour en jour, plus fragiles.

L'Europe, c'est un équilibre, c'est même la civilisation de l'équilibre et elle doit aussi s'exprimer dans la répartition des activités sur le sol des pays qui la forment.

Retrouver la France productrice en 2020, cela impose l'application de la gestion par objectif que propose l'Agenda 2012-2020, de fixer le but à atteindre, de définir des étapes intermédiaires, de les intégrer dans un plan et enfin, de décider de l'urgence. Ce qui impose donc d'identifier clairement, dans les mois qui viennent, les décisions, les orientations que nous allons devoir assumer et, ainsi, répondre aux raisons de fond qui expliquent notre effondrement.

Je propose que cette réflexion sur les raisons de fond soit ou reprenne un modèle qui a été celui des années 58/60, concerté non seulement avec les forces politiques, mais avec les entreprises et les partenaires sociaux et le modèle que j'évoque est naturellement celui du rapport Rueff-Armand que chacun de ceux qui s'intéressent à l'histoire de la Vème République a présent à l'esprit.

Le but est qu'une loi-cadre puisse être adoptée quelque part du côté de la rentrée parlementaire à l'automne 2012, une loi dont le sujet sera le réarmement productif de la France.

D'ores et déjà, je veux vous livrer les orientations que je crois nécessaires.

La première question, cela explique que nous choisissions la méthode des lois-cadres pour orienter notre action, c'est la confiance.

Ce que nous devons écrire, préparer et voter, ce seront des textes en petit nombre, denses dans leurs énoncés, bien écrits (j'espère), durables, destinés à garantir que, sur une longue période, les axes choisis par le pays ne changeront pas. La confiance en matière juridique, en matière fiscale, c'est la stabilité dans la durée.

Ensuite, il faut une mobilisation générale et une stratégie.

Mobilisation générale : changement d'état d'esprit, mentalités autant que règles, mobilisation des entreprises, des ingénieurs, des chercheurs, des commerciaux, car on ne produit que si l'on sait vendre, des réseaux de distribution, des consommateurs, du système de financement.

La mobilisation est d'ordre psychologique. Elle dépend donc du peuple et elle doit être portée par ses élus au premier rang desquels celui qui a été choisi pour incarner, un temps, le destin du pays, le président de la République.

La mobilisation, comme vous le voyez, ne vient que si les élus l'apportent et le débat politique l'incarne.

Voilà pourquoi l'élection présidentielle est cruciale.

Il faut aussi une stratégie, c'est-à-dire une organisation, une incitation. Une stratégie est une incitation portée de la manière la plus légère, car bien entendu, dans ce domaine rien ne se décrète du haut.

Imaginative, car tout est à inventer en France dans le domaine d'une stratégie nationale de production associant des acteurs libres.

Ambitieuse, car le principal obstacle sera dans l'esprit des acteurs dont on peut craindre que, parfois, chacun verra d'abord son intérêt et la dimension de ses propres difficultés.

L'État, troisième conviction, en raison de ce qu'il est en France, doit être stratège. Il y a des pays qui peuvent se passer d’État. Entre nous, il y en a moins que l’on ne croit. Dans les grandes réussites économiques du siècle, chaque fois qu'un pays a su se transformer rapidement, son État, quand il existe, a joué le rôle d'aiguillon et de fédérateur.

Tout le monde sait, je pense au MITI japonais, l'agenda que l'Allemagne s'est donnée au début des années 2003/2004 qui a abouti en 2009/2010, et en France plus qu'ailleurs, il en a toujours été ainsi. Notre énergie donne toute sa mesure quand un État stratège accepte de la prendre en charge et de la porter.

Je m'empresse de dire que « stratège » ne veut pas dire, comme en grec, commandant en chef. Cela ne veut pas dire : je décide, ils exécutent. « Stratège » cela veut dire un État qui se sent en charge de faire partager un plan de bataille et qui se donne pour tâche de convaincre les acteurs.

L'organisme qui était chargé de préparer et de porter la stratégie existait. C'était le Commissariat au Plan. Alors, bien entendu, cela avait un côté un peu rétrograde. Les plans quinquennaux sur le modèle du Gosplan soviétique. Tout le monde voit bien qu’il y a des années qu'ils ne sont plus de saison, mais une réflexion pour la nation qui ouvre sur des progrès à faire, sur des terrains à réoccuper, qui parle aux industriels, aux syndicats, aux organisations professionnelles, qui leur propose de se rapprocher, qui surveille l'évolution des autres parties de l'Europe ou du monde, qui discerne la stratégie qu'ils adoptent dans les technologies les plus nouvelles, c'est non seulement de saison, mais d'avant-garde.

Je ne reprendrai pas le mot pour ne pas choquer, mais je défendrai l'idée d'un commissariat aux stratégies tourné non seulement vers le pouvoir politique, mais vers la société civile. J'ai toujours été frappé de ce que Jacques Delors dit sur ce que le Commissariat au Plan a apporté à la France : tout ce croisement de prospectives, d'expériences, d'inventivité.

En discutant de ce sujet avec Jean Peyrelevade hier soir, il disait qu’au fond, le bon nom -mais malheureusement, il est pris ou heureusement, il est pris- c'est le nom d'une revue qui s'appelle « Futuribles ». « Futur » d'un côté et « possibles » de l'autre.

En effet, Commissariat aux Stratégies, c'est une idée qui parle du futur et des possibles. Pour la société française, je trouve que c'est une bonne idée.

Quand on pense à la Chine, la grande Chine, dont je ne méconnais pas les travers, mais que l'on mesure les décennies de réflexion à l'avance que prépare son appareil d'État, je me dis que les quelques dizaines de talents et d'expériences que nous placerons dans cette réflexion sur les stratégies seront un bon et juste investissement, léger et rempli d'intelligence prospective. Naturellement, tout cela se fera sans dépenser un euro de plus, puisqu'ils seront prélevés tout simplement sur les moyens de fonctionnements de l'État.

Un Commissariat aux Stratégies pour la République française.

Nous avons besoin de soutenir les entreprises, notamment les PME. C'est un lieu commun désormais. Il est répété à peu près partout que la force de nos voisins tient au réseau de leurs entreprises moyennes. Nous avons laissé s'affaiblir ce réseau. Il faut, au contraire, le soutenir.

Nous avons deux moyens de le soutenir. D'abord une politique qui incitera à faire naître des réseaux entre les PME et les grandes entreprises, contrairement à ce que trop souvent on dit : je veux soutenir devant vous que les grandes entreprises sont un des atouts maîtres de la France.

C'est généralement sous-estimé parce que c'est caricaturé, parce que ces groupes sont éclatés en myriades d'entreprises différentes, mais ces groupes sont une puissance et un atout pour notre pays. Ils maîtrisent de très importants réseaux d'exportation, ils ont une très grande maîtrise de la recherche appliquée dont ils portent d'ailleurs la majorité des investissements, ils ont acquis la maîtrise des processus de production les plus contemporains : numérisation, automatisation, dont on sait que ces processus vont, à coup sûr, dominer la décennie à venir.

Alors, ces grands groupes, bien entendu, ont déjà commencé à partager ces processus et ces réseaux, à les transmettre, à accepter que se greffent à leurs compétences des entreprises en développement et ils le font en général avec leurs sous-traitants, mais d'autres entreprises peuvent profiter de cette capacité d'innovation. Ces entreprises seront plus souples, plus réactives, elles sont donc complémentaires avec les grands groupes. C'est un devoir d'État de pousser à la création de réseaux entre les grandes entreprises et les petites et moyennes entreprises en France. Premier moyen de les aider.

Deuxième moyen de les aider : nous avons besoin d'instruments nouveaux de financement.

Ces dernières années, des progrès ont été faits : OSEO, par exemple, le FSI, tout cela n'a pas été sans fruits, mais très souvent les entreprises, surtout moyennes ont des besoins par exemple en fonds propres devant lesquels les banques et les réseaux de financements habituels sont frileux. Nous avons donc besoin d'un instrument nouveau de crédits aux entreprises qui sera décentralisé, qui enrichisse l'offre de crédits et nous avons besoin, on tranchera cela d'ici au mois de mars, de ressources nouvelles qui permettent de sécuriser l'épargne qui serait dirigée vers ces entreprises.  Deuxième type d'action en faveur des PME : de nouveaux instruments de financement pour les aider.

Il faut, autre certitude pour moi, changer le climat social dans l'entreprise. Peut-être d'ailleurs, si j'avais vraiment fait les choses dans l'ordre d'importance des choix, c'est par ce point que j'aurais dû commencer mon propos. Il faut changer le climat social dans l'entreprise.

Aujourd'hui tout paraît organisé pour que rien ne bouge. Le blocage endémique, la guerre froide sociale qui s'est instaurée dans les relations entre l'entreprise et les salariés, c'est l'une des principales faiblesses de la France.

C'est d'ailleurs aujourd'hui la même chose dans le dialogue social à l'échelon national et l'État porte dans ce blocage une responsabilité.

Chaque fois que l'État dit "Mesdames et messieurs les organisations syndicales et professionnelles, vous allez ouvrir une négociation et, si cette négociation ne se conclut pas dans les deux mois, je vais voter une loi" mes chers amis, ce n'est pas autre chose qu'organiser le blocage, la stagnation et la guerre froide parce qu'à ce moment-là chacun se met en situation d'attente et au fond se prépare à flinguer, pour entretenir sa réputation auprès de ses mandants, les décisions qui seront prises.

Eh bien, ceci est une déresponsabilisation et nous savons depuis longtemps que le progrès est dans la responsabilisation, et pas dans la déresponsabilisation.

Je propose donc que s'ouvre, dès la fin du processus électoral du printemps, un travail approfondi qui pourra prendre plusieurs mois sur l'évolution de la démocratie sociale en France. Bien des sujets devront être mis sur la table et tous ne seront pas consensuels : les taux de syndicalisation, la gouvernance de l'entreprise, le financement des syndicats autant que des organisations patronales et cela me permet de dire au passage qu'il est honteux que le rapport de Nicolas Perruchot ait été interdit de parution et même d'évocation sous peine de poursuites pénales par un accord souterrain et conjoint de l'UMP et du PS en une décision en réalité digne de l'Inquisition !

Je pense que, dans le domaine des relations sociales en France et dans l'entreprise, il faut faire un pas décisif. Je proposerai donc que, pour les entreprises de plus de 500 salariés, des représentants des salariés siègent avec droit de vote aux conseils d'administration.

Bien sûr que c'est un pas, bien sûr que c'est un changement très important. Je crois que ce pas et ce changement sont bienvenus et j'ai été heureux ce matin d'entendre de grands chefs d'entreprises autour de la table soutenir une telle idée.

Bien sûr, les modalités devront être discutées, puisque les comités d'entreprises y sont aujourd'hui représentés sans droit de vote, mais avec droit de vote et sans droits de vote, ce n'est pas la même chose, ce n'est pas le même statut et les problèmes ou les règles qui toucheront à la désignation mériteront d'être soigneusement réfléchis.

Pour ma part, je pense que l'élection directe sur liste ouverte à tout syndiqué et non-syndiqué est le système le plus simple et le plus transparent, celui qui donnera le plus de légitimité à ceux qui représenteront les salariés au sein de l'entreprise.

Je soutiens qu'il faut associer les consommateurs aussi à cet immense enjeu du produire en France. Au temps de la traçabilité et des labels de production bio ou commerce équitable, j'ai la certitude qu'il existe une attente des consommateurs qui, librement, a prix ou à qualité égale, voudront soutenir les emplois et la valeur ajoutée dans leur pays. J'ai été très heureux de constater qu'en quelques semaines cette idée a fait des progrès inattendus. J'ai même vu fleurir des drapeaux tricolores sur les produits "blancs" comme l'on dit et j'en ai était très heureux. J'ai vu se multiplier les articles de journaux, les enquêtes, les reportages sur des réussites industrielles qui relocalisent ou qui ont surmonté le défi du maintien de la production sur notre sol.

Nous savons tous que la complexité de la production fait bien entendu qu'une part des produits est très souvent intégrée en provenance d'autres pays parfois lointains. Je pense que c'est légitime, l'introduction de composants, même de composants à coût de revient plus bas, n'est ni anormale ni choquante.

Je pense que l'important est de conserver les produits et de les regagner et c'est précisément la bataille que nous avons perdue en France donc je soutiendrai l'idée d'un label « produit en France », vous aurez observé que j'ai dit « produit en France » et pas « made in France », non pas que je n'arrive pas à comprendre ce que « made in France » veut dire ! On est Pyrénéen, mais polyglotte… troglodyte comme disait une grand-mère chez moi ! Et donc j'arrive à comprendre cela, mais c'est une revendication de fierté que d'employer sa propre langue.

Je propose donc un label accordé sur demande de l'entreprise, librement, sans qu’il soit imposé à qui que ce soit et par qui que ce soit, un label d'information qui indiquera aux consommateurs de manière transparente quel pourcentage de la valeur ajoutée du produit a été réalisé en France.

Ce pourcentage pourra par exemple être certifié par une association ad hoc regroupant des consommateurs. Je trouve que ce doit être léger. Ces labels montreront à chacun ce qu'il paye pour son emploi, celui de ses proches, pour la retraite et quand il fait ses courses.

Ils nous aideront aussi à prendre conscience des forces qui sont les nôtres, de la qualité, de l'excellence de nombreux produits français dont on ne savait même pas qu'ils existaient et nous verrons alors que nous avons tous les atouts pour figurer avantageusement dans la compétition mondiale car c'est évidemment dans la compétition mondiale que les choses se jouent.

Conviction supplémentaire : l'enjeu principal est bien entendu celui des charges qui pèsent sur les entreprises, et là Jean Arthuis de nouveau lève les yeux ! Vous observerez que je n'ai pas dit seulement des charges sur le travail, car les charges fiscales d'imposition directe ou indirecte, les charges sociales, les charges administratives, tout cela fait masse. Par exemple, la différence dans l'impôt sur les sociétés -une étude vient de sortir- peut être du simple au double à entreprises comparables dans le même secteur d'activité entre deux pays voisins, par exemple la France et l'Allemagne.

Il n'est pas sain et il est dangereux pour nos emplois que la majorité du financement de la protection sociale repose encore sur le travail, je dis bien sur le travail, car ce sont les entreprises qui payent, mais en prélevant sur les sommes qu'elles pourraient verser aux salariés. Je crois que nous devons nous donner trois ans pour réfléchir et mettre en place une mutation en profondeur de la structure des charges qui pèsent sur l'entreprise pour amener ces charges au niveau moyen qui sera celui des pays industriels qui nous entourent.

Pourquoi ai-je été réservé sur la TVA ?

Malgré les débats nombreux, nourris que nous avons eus avec beaucoup de ceux qui sont dans cette salle, mais comme au bout du compte c'est moi qui dois prendre la responsabilité, je veux vous en expliquer les raisons. Pourquoi j'ai été réservé ?

D'abord parce qu'on n'envisage pas une réforme de cette ampleur in extremis dans les dernières semaines précédant une élection présidentielle.

Ensuite, parce que tout mouvement d'ampleur se traduirait, et il faut un mouvement d'ampleur si l'on veut obtenir un effet, autrement tout le reste sera marginal, par une hausse massive du coût de la vie que paieraient d'abord les salariés, mais aussi les retraités et les chômeurs.

Enfin, parce que seul l'argent dépensé et non l'argent épargné acquitterait cette charge, et comme un grand nombre de familles, les moins favorisées, dépensent par nécessité tout ce qu'elles gagnent, elles seraient amenées à consacrer une part de leurs ressources plus grande que celle des plus favorisés.

Enfin, ultimement, je dois être tout à fait honnête, parce que nous aurons nécessairement besoin d'une hausse modérée de la TVA pour réduire le déficit qui nous coule, mais il est nécessaire de penser à d'autres bases plus justes, plus équilibrées, pour le prélèvement des cotisations sociales.

Je maintiens que c'est juste et donc nécessaire et je propose d'en faire un chantier à part entière, une réflexion partagée d'abord et ensuite deux années pour la transition qui sera, je le crois, nécessaire.

Un allégement de ces charges permettrait aux entreprises de trouver un peu d'oxygène pour investir, ce qui est la condition même de leur survie et de leur développement.

Enfin, la situation exigera une stratégie européenne.

Il est des produits que nous avons perdus, nous France, mais que toute l'Europe en même temps que nous a perdus. Je cite souvent l'exemple qui me choque le plus, celui des écrans plats, produit de grande consommation, universel, omniprésent, des smartphones jusqu'à l'écran de télévision, des ordinateurs aux tablettes, produits de très haute technologie, produits dans lesquels on ne peut pas dire que le travail manuel pèse d'un poids décisif. Il est produit en salle blanche avec le plus au niveau d'exigence de performance.

Alors pourquoi nous, Europe, avons-nous perdu la fabrication de tous les écrans plats ? Aucun pays ne pourra les reconquérir pour son compte, reconquérir non pas la technologie actuelle, puisqu'elle est hélas entièrement captée, mais la technologie suivante, je ne sais pas laquelle elle sera, mais je suis sûr qu'il y aura une technologie suivante et c'est à celle-là, me semble-t-il, qu'il faut aller.

Aucun pays ne pourra les reconquérir pour leur compte ou pour son compte. Il faut donc une stratégie européenne concertée avec des investissements qui ne seront pas négligeables. Il est temps que la politique économique de l'Europe qui s'est, jusqu'à maintenant, limitée à une politique de la concurrence devienne aussi une politique industrielle.

L'Europe se trompe de chemin quand le souci de ses États-membres est de se surveiller, j'allais dire de se neutraliser, avant de réfléchir à ce qu'ils peuvent faire ensemble.

Toute la législation actuelle est pourtant dominée par une seule crainte : empêcher qu'un pays membre fausse la concurrence en avantageant ses entreprises au détriment de celle des autres.

Je dis que nous devons avoir une politique active en commun, une politique industrielle et qu'elle ne doit pas se limiter à de rares grands programmes, fussent-ils aussi prestigieux qu'Airbus l'a été autrefois. C'est le complément naturel de l'intimité entre nos économies.

Dans tous les secteurs d'activité, il faut se fixer un objectif stratégique. L'Europe ne peut pas accepter d'être complètement absente d'aucun des grands secteurs d'activité. Elle doit raisonnablement être présente dans la concurrence sur son propre marché. Il ne doit pas, il ne devrait pas pouvoir exister de secteurs de production dans lesquels l'Europe ne vise à atteindre de l'ordre de 50 % de son propre marché.

La France proposera à ses partenaires européens un plan de reconquête des marchés dont elle est absente et en particulier dans les secteurs de haute technologie, cela sans protectionnisme, avec une démarche fondée sur l'offre, sur la qualité.

À ceux qui me disent que cette bataille est perdue, il en est beaucoup, je réponds qu'elle n'a pas encore été livrée. Nous avons d'immenses compétences dans les services, dans les technologies de pointe. Appuyons-nous sur ces forces pour reconquérir des filières que l'on aurait tort de croire perdues pour l'Europe.

Il y a de plus en plus de haute technologie incorporée dans les produits de la vie courante, dans l'électroménager, dans les équipements sportifs. Il y a de plus en plus de design et de marketing dans le textile, comme l'ont montré de nombreuses entreprises françaises ou européennes. Nous pouvons gagner des positions dans ces secteurs en concurrençant les produits à bas coût d'aujourd'hui par des produits à forte valeur ajoutée demain.

Le succès des grandes aventures industrielles, on pense par exemple à l'automobile, n'a pas d'autre secret, mais toujours s'agissant de l'Europe, il n'y a pas de reconquête sans reconstruction de l'ordre dans les domaines monétaires et budgétaires.

Les choix qui ont été faits ces derniers mois ont conduit à la situation chaotique que nous avons sous les yeux et dont nous payons hélas les additions, les fragilités sont trop grandes pour que l'on imagine pouvoir continuer ainsi sans accident.

L'absence de surveillance et de transparence, sur la situation de certains États, la Grèce bien sûr, mais d'autres dont la France n'est pas exclue, le jeu de maquillage des chiffres, le refus de solidarité et d'intervention en soutien, de la Banque centrale ou d'un organisme qui lui aurait été adossé, ont permis aux soupçons de se propager.

Cette propagation n'est pas finie. J'écrivais cette phrase quelques heures avant d'avoir la nouvelle que nous avons eue hier soir.

Cette propagation n'est pas finie. Nous n'en sommes pas aux conséquences ultimes, mais de tout cela on ne sortira pas sans une refondation en profondeur des mécanismes de loyauté, de transparence et de solidarité en tout cas à l'intérieur de la zone euro.

Il est de la responsabilité des institutions européennes de garantir la vérité des chiffres et la loyauté des engagements pris. C'est le rôle de la commission d'être la première agence de notation ou de faire naître auprès d'elle une agence de notation prévisible et lisible pour tous les acteurs économiques et politiques et je dis ma conviction : il sera de la responsabilité de la Banque centrale d'intervenir pour empêcher une dégradation de la situation lorsque nous en serons menacés.

Cela veut dire que l'Europe, si elle veut exercer cette responsabilité, doit avoir à sa tête une autorité politique. Elle doit cesser d'être un ensemble vide, une zone d'échange sans volonté, sans capacité, labyrinthique. La réforme de l'Europe est nécessaire à la reconstruction de notre pays, notamment.

Seule l'Europe peut conduire une politique d'équilibre avec nos grands partenaires, la Chine en particulier, pour qu’aucun artifice, par exemple une sous-évaluation chronique de la monnaie, ne vienne porter atteinte à la loyauté des échanges. Une vraie autorité politique est nécessaire, mais en démocratie, il n'est pas d'autorité politique sans légitimité démocratique.

Pour jouer pleinement le rôle indépendant qui doit être le sien, pour rendre tout son poids à une voie communautaire de plein exercice, l'Europe a besoin d'un président, et ce président doit tenir sa mission d'une élection et pas d'une désignation diplomatique.

Un jour, et nous soutiendrons cette démarche, le président de l'Union qui présidera à la fois la Commission et le Conseil, devra être élu au suffrage universel direct. S'il est besoin d'une transition, il peut être élu par un Congrès des parlements de l'Europe représentant à parts égales les parlements nationaux et le parlement européen, mais il faut qu'il échappe à la crise d'anonymat, à la crise d'incommunication dans laquelle il est fondé. Il faut qu'il trouve la légitimité démocratique qui en fera, auprès des citoyens, le visage de l'Europe et leur défenseur dans le débat entre pays et grandes zones du monde.

Mais, pour en revenir à la France, il n'y aura pas d'investissement ni d'accès facile au crédit ni de taux d'intérêts assez bas pour être intéressants pour les entreprises sans une remise en ordre des finances publiques.

Aujourd'hui, l'État est presque perçu comme un risque ou une hypothèque sur notre pays, alors qu’il devrait être un soutien et un garant de dernier recours.

La remise en ordre doit être rapide. Le déficit budgétaire, je vous dis ma conviction, doit être supprimé en trois exercices par un plan sérieux et progressif qui reposera à parts égales sur la diminution des dépenses et l'augmentation des recettes. Les pays qui ont réussi le redressement de leurs finances ont toujours dû jouer sur les deux leviers des dépenses et des recettes, au moins dans un premier temps.

Le déficit à combler est aujourd'hui de l'ordre de 100 milliards, soit, selon le principe de la réduction à parts égales des dépenses et des recettes, 50 milliards de dépenses et 50 milliards de recettes. C'est à mettre en rapport avec les 1100 milliards de dépenses de l'État de la protection sociale et des collectivités locales et les 960 milliards de prélèvements.

Ces sommes sont à atteindre en trois exercices et demi. Un collectif budgétaire devra être voté dès l'installation de la nouvelle Assemblée Nationale permettant de mettre en place les premières mesures de rééquilibrage ensuite les budgets 2013, 2014 et 2015 doivent permettre de réaliser le plan de modération des dépenses conjugué à une recherche juste et équilibrée des recettes.

On me dira que, trois ans, c'est irréaliste, mais ce qui est irréaliste, c'est de croire que nous avons du temps devant nous, c'est de croire que nous pourrions disposer d'une longue période d'accalmie en dehors du cours de l'histoire pour nous rapprocher lentement à pas comptés de l'objectif. C'est ce qui a été fait jusqu'ici et cela n'a pas marché.

Plusieurs principes devront animer l'action du gouvernement.

Je voudrais évoquer la maîtrise de la dépense en valeur, en euro courant qui, si elle était maintenue, permettrait à elle seule, avec une inflation autour de 2,5 %, de dégager l'équivalent de 25 milliards d'économies par an et, si je compte bien, 25 milliards d'économies par an, cela fait en deux ans atteindre l'objectif de 50 milliards.

En tout cas, même en ménageant une marge de souplesse, cet objectif peut être atteint en trois ans. Les niches fiscales devront, pour certaines d'entre elles, être supprimées, par exemple la défiscalisation des heures supplémentaires ne se justifie en rien. Les heures supplémentaires qui apportent de la souplesse au temps de travail et des revenus complémentaires aux salariés peuvent être en partie déchargées pour compenser la prime à verser aux salariés.

C'est ma proposition de 2007, je ne la renie pas, mais il n'est pas normal, il est même injustifiable que le revenu qui en est issu ne soit pas soumis à l'impôt parce qu'il n'y a pas de différence entre le revenu d'un salarié provenant d'une entreprise qui n'est pas florissante et qui assume entièrement l'impôt et ceux d'un salarié qui provient d'une entreprise en très bonne santé donc dans laquelle il y a des heures supplémentaires.

Il y a un principe simple : tous les revenus devraient être soumis à l'impôt et il n'y a pas de différence dans la nature de ces revenus qui proviennent, pour les salariés, de l'entreprise.

L'impôt sur le revenu devra être rendu plus progressif, avec une tranche marginale actuellement fixée à 41 % qui serait portée à 45 % et une tranche marginale nouvelle pour les plus hauts revenus fixés par exemple autour de 20000 € par mois, qui acquitteraient 50 %.

Donc, deux tranches, celle de 41 % portée à 45 % et une tranche marginale supplémentaire à 50 %.

L'impôt sur la fortune, impôt de solidarité sur le patrimoine : je considère qu'il est justifié en période de crise, mais il doit être rationalisé et simplifié pour être débarrassé de ses effets les plus néfastes.

Plusieurs schémas sont envisageables. Ils doivent naturellement être appliqués après abattement de la résidence principale et exclusion de l'outil de travail, mais je considère qu'il est normal qu'à partir d'un patrimoine de 1 million d’euros, il y ait une participation de solidarité. Je propose que l'on adopte le système suivant : chaque patrimoine supérieur, après les abattements que j'ai indiqués, à 1 million d’euros se verrait affecté d'un revenu théorique de l'ordre de 1 % et intégré dans la base de l'impôt sur le revenu, ce qui veut dire qu'au maximum il serait frappé d'un impôt de solidarité sur la fortune de ce taux marginal de 50 %.

Eh bien, je trouve qu'un impôt de 0,5 % sur le patrimoine, c'est juste et c'est nécessaire dans la situation de crise où le pays se trouve et ce sera ainsi un moyen de se singulariser. Applaudissements… C'est un sondage très intéressant, car je vois ainsi la différence dans l'assemblée, entre ceux qui n'atteignent pas le seuil et ceux qui le dépassent et qui donc sont tout d'un coup beaucoup moins saisis de sympathie à l'endroit du projet que je porte ! Rires… Applaudissements…

La TVA devra être augmentée de manière modérée pour participer à la suppression du déficit et ma certitude, c'est que tous les gouvernements le feront dans la situation de crise où l'on se trouve.

Cette hausse de l'ordre de deux points contribuera, pour une vingtaine de milliards, au retour à l'équilibre de notre pays et l'expérience a prouvé que, si cette hausse est modérée, elle est souvent absorbée en partie par le circuit commercial et de distribution, et que deux points de TVA cela peut n'entraîner qu'un point d'augmentation du coût de la vie.

J'insiste sur ce point.

Le redressement de nos comptes publics ne doit pas être vu comme un exercice sacrificiel, comme une série de soustractions qui nous appauvriraient. Ce redressement ne nous rendra pas moins riches. Les avantages dont nous nous berçons aujourd'hui sont illusoires puisqu'ils sont financés à crédit. Il est même certain que ce redressement nous rendra plus forts. Il ne sera pas seulement fait de moins, mais aussi et surtout de plus.

Loin de connaître des effets récessifs prononcés, les pays qui ont redressé leurs comptes ont en général bénéficié d'une accélération de leur croissance et d'une phase d'expansion prolongée.

Le Canada en a donné un exemple éclatant, et c'est bien naturel : on entreprend d'avantage, on se tourne avec plus de confiance vers l'avenir quand on sait que chaque année qui passe renforce les excédents, consolide les retraites et permet d'engranger plus d'acquis.

Remettre de l'ordre dans nos comptes constitue aussi une véritable occasion de repenser en profondeur l'action publique, de la rendre plus juste et plus efficace.

C'est particulièrement vrai pour la rénovation de notre État qui accompagnera et même précédera nécessairement le retour à l'équilibre.

Je vais peut-être abréger les paragraphes qui suivent ! Je veux simplement en arriver à cette idée qui faisait l'objet de la troisième table ronde et sur laquelle j'achèverai cet énoncé.

La mutation que nous vivons n'est pas un passage à vide après lequel le monde redeviendrait ce qu'il était auparavant. C'est au contraire l'occasion et la nécessité de faire changer notre modèle de société et d'inventer un nouveau modèle dans lequel le durable, la qualité d'être durable, sera évidemment l'article le plus important.

Durable, parce qu'il prendra en compte l'intérêt des générations qui viennent.

Durable, parce qu'il pourra s'ouvrir sur l'emploi.

Durable, parce qu'il garantira l'équilibre des comptes et désendettera les générations.

Durable, parce qu'il sera évidemment respectueux de notre environnement.

Je ne veux pas entrer longuement dans le débat sur l'énergie, mais je veux le faire de manière claire. Lorsqu'on débat d'énergie en France aujourd'hui on débat essentiellement du nucléaire. Je pense que l'on se trompe, car si les scientifiques ont raison, et je crois qu'ils ont raison, la question principale aujourd'hui est le réchauffement de la planète, que certains estiment devoir être certain à deux ou trois degrés et dont on peut imaginer qu'il risque même d'atteindre quatre ou six degrés en moyenne de réchauffement. Cela entraînerait des changements considérables dans notre mode de vie.

Si cette affirmation scientifique est vraie, alors la question principale est l'utilisation de carbone fossile dans les énergies que nous utilisons tous les jours. Je veux simplement rappeler que la question du nucléaire en termes d'énergie consommée, c'est quelque chose comme 15 ou 16 % de l'énergie finale et qu'en revanche, les énergies fossiles, le pétrole, le gaz, le charbon, c'est quelque chose comme 70 % des énergies finales que nous utilisons.

Si cette certitude scientifique est juste et si les chiffres que je viens d'énoncer le sont, alors on voit bien que la priorité, c'est de changer nos habitudes dans l'utilisation de l'énergie, nos habitudes qui utilisent à profusion carburants et combustibles provenant du pétrole, du gaz ou du charbon et d'en réduire l'utilisation, notamment dans le transport et dans nos logements.

Là, doit être la priorité. Je dois reconnaître que l'industrie a fait des progrès considérables dans les économies d'énergie et dans une utilisation plus rationnelle et plus respectueuse, mais notre vie quotidienne, non.

L'utilisation dans le chauffage, l'absence d'isolation, les progrès insuffisants qui ont été faits dans les moteurs automobiles, tout cela, c'est un défi qui est devant nous. Je considère que, dans le projet de société durable que nous voulons adopter, l'utilisation des énergies qui proviennent du carbone fossile doit être impérativement limitée et ce doit être notre première priorité.

Je veux dire un mot du nucléaire et des énergies renouvelables et je vais faire une profession de foi. Je suis persuadé que, dans quelques décennies, c'est-à-dire une génération ou deux, les énergies renouvelables qui proviennent de l'éolien, du solaire, du photovoltaïque, de l'énergie irrésistible qui existe dans la mer, les hydroliennes, ces énergies non polluantes pour la planète, auront gagné un terrain considérable.

Je pense que c'est à portée de la main et que c'est affaire d'une génération ou de deux. Dans ces conditions, j'estime que le nucléaire peut être une bonne énergie de transition dans la mesure où cette énergie-là ne rejette pas de gaz à effets de serre. Elle explique en particulier que la performance de la société française par rapport à la société allemande qui est de l'ordre de 40 % de moins de rejets de gaz à effets de serre par unité.

Je considère que cette énergie de transition peut être utile et je ne la rejette pas a priori, à une condition, c'est que les questions de sécurité soient évidemment traitées et deviennent une garantie absolue pour les citoyens.

J'ai été heureux de voir l'Agence de Sûreté Nucléaire édicter les prescriptions qu'elle a formulées à propos des centrales nucléaires françaises. Ce n'est pas tout à fait rien. Ce sont des travaux de l'ordre de 10 milliards d’euros qui ont été prévus pour garantir, d'abord, que le disjoncteur fonctionnera bien et, ensuite, que le refroidissement des centrales, une fois la réaction nucléaire arrêtée en cas d'accident, sera garanti avec 100 % de sécurité. Je pense que, s'il le faut, il faut renforcer encore la sécurité, les garanties offertes par une telle agence de sécurité. Naturellement, cela ne s'arrête pas là.

Le projet de société durable, c'est aussi des changements de mode de vie, changements dans les déplacements, économie de déplacement et technologies de l'information. Tous peuvent, en effet, autoriser des comportements nouveaux. Tous, vous parlez avec vos enfants ou vos frères et sœurs par Skype, c'est évidemment une pratique tout à fait intéressante qui favorise le télétravail. La liaison de tous les logements avec Internet sera évidemment un très grand progrès.

Voilà ce que je voulais vous dire sur ce dernier point du projet de société durable qui va entraîner une mutation bienfaisante des mo

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