Philippe Douste-Blazy : "Il faut un président engagé en faveur des pays les plus pauvres"

Image n°288

Philippe Douste-Blazy a accordé vendredi 13 janvier une interview à la rédaction du JDD.fr, où il se réjouit de l'importance que porte François Bayrou à la "solidarité mondiale".

LeJDD.fr - En échange de votre soutien à François Bayrou, attendez-vous des contreparties de sa part ?

Philippe Douste-Blazy - Il n’y a absolument aucun accord. C’est une démarche de sincérité et d’honnêteté qui m’anime vis-à-vis de ma famille politique, les centristes, et d’un homme, François Bayrou, avec lequel j’ai toujours été ami. Mais cela se traduit dans un contexte particulier puisque je suis secrétaire général adjoint des Nations unies. Ma vie a changé depuis plus de cinq ans car je travaille sur un sujet très déterminé : comment trouver de l’argent pour que tous les êtres humains puissent avoir accès aux biens publics mondiaux ? C’est-à-dire la nourriture, l’eau potable, l’assainissement, l’accès à l’Éducation et à la Santé pour tous.

LeJDD.fr - Un objectif très éloigné de la campagne présidentielle…

PDB - Absolument pas. Un milliard et demi d’humains sur la planète n’ont pas accès aux biens publics mondiaux. Or, avec le prix de mon déjeuner d’Occidental, on peut payer tous les antibiotiques de tous les villages d’un pays pauvre pendant trois ans. Je souhaite donc mettre mon grain de sel dans cette campagne présidentielle, pour expliquer que c’est le premier sujet de politique étrangère.

LeJDD.fr - Quels mécanismes peuvent développer les pays du Nord pour aider ceux du Sud ?

PDB - J'ai créé, grâce aux présidents Jacques Chirac et Lula [président brésilien de 2003 à 2011, NDLR], le premier laboratoire mondial de financements innovants avec la taxe sur les billets d'avion. Tout le monde a souri quand nous l'avons lancé. Mais nous avons récolté 2,6 milliards de dollars [un peu plus de 2 milliards d'euros, NDLR]. Grâce cet argent, huit enfants sur dix sont aujourd'hui soignés contre le sida. Désormais s'invite la taxe sur les transactions financières (TTF), qui sera votée avant l'élection. À quoi va-t-elle servir ? Tel est le débat qu'il faut avoir pendant la campagne.

LeJDD.fr - Ce débat ne peut-il pas attendre l'après-présidentielle ?

PDB - Avant la crise financière, tout le monde disait qu'une TTF était impossible. Le subit endettement de notre pays a rendu cette réforme envisageable, pour combler notre déficit. Moi, je demande à tous les candidats à la présidentielle qu'une partie significative du produit de cette taxe – entre 30 et 50 % – aille aux pays les plus pauvres. Si une telle fiscalité est mise en place, devenant la base de la solidarité mondiale, j'aurai réussi ma vie. François Bayrou m'a donné l'assurance d'un tel engagement. C’est pourquoi je le soutiens aujourd’hui.

LeJDD.fr - Si la TTF est appliquée à l'échelle de la France, n'y a-t-il pas un risque de fuite des capitaux vers les places boursières qui n'appliquent pas ce type de fiscalité ?

PDB - Les hypocrites évoquent effectivement cet argument. Mais il ne faut pas attendre le consensus général. Il faut montrer l'exemple, comme avec la taxe sur les billets d'avion : les Français et les Brésiliens étaient les seuls à la voter. Aujourd'hui, quinze pays l'ont appliquée. Thatcher a fait la même chose au Royaume-Uni en 1984, en taxant à 0,5 % les "transactions sur actions" d'entreprises britanniques [la Stamp Duty Reserve Tax, Ndlr]. Bien plus que les 0,1 % que la Commission européenne propose maintenant !

LeJDD.fr - À ceux qui disent qu’il faut d’abord désendetter le pays avant de s’occuper du reste du monde, que leur répondez-vous ?

PDB - Qu’ils n’ont rien compris au monde. La Rome antique était formidable en son temps, ils étaient les meilleurs du monde. Mais Rome est tombée en un siècle et demi. Terminé ! Avec l’Occident, il va se passer la même chose si l’on ne trouve pas les moyens de rééquilibrer le monde grâce à des microcontributions de solidarité. Aujourd’hui, nous sommes dans un monde où le capitalisme s’est financiarisé à outrance. Il n’y a plus que le fric qui compte. Il y a d’un côté le libéralisme pur et de l’autre, l’économie sociale de marché que François Bayrou et moi défendons.

LeJDD.fr - Vous avez choisi de soutenir François Bayrou, mais en 2002, vous aviez tout de même rejoint l'UMP…

PDB - Avec tous les parlementaires centristes à mes côtés ! Avec François Bayrou, nous avons eu une différence de stratégie. Moi, j'ai pensé que le parti gaulliste et le parti centriste étaient différents pour deux raisons : le RPR a été créé par Jacques Chirac sur une double conviction, anti-européenne et anti-décentralisatrice. L'inverse de notre famille. Et puis, entre 1997 et 2001, j'ai entendu plusieurs discours-clés de Jacques Chirac : celui de Berlin, pro-européen, et celui de Rodez, pro-décentralisation. J'ai alors rencontré François Bayrou pour lui soumettre un constat : n'était-il pas temps de faire, en France, la CDU [parti allemand, actuellement au pouvoir, qui regroupe les deux principales formations de droite et du centre, NDLR] ? Ce à quoi François Bayrou m'a opposé le fait que les dirigeants de la future UMP seraient toujours issus de l'ancien RPR. Je lui ai répondu : "Toi, tu veux faire une chapelle, moi, je veux faire une cathédrale en m'associant au RPR." Et nous nous sommes fâchés, de façon violente. Il ne s'agissait pas d’une trahison d'hommes, mais d’une question de stratégie. Jamais je n'ai laissé tomber mes convictions, malgré tout ce qui a été dit.

LeJDD.fr - Pourquoi avez-vous tourné le dos à l'UMP ?

PDB - Quand je suis arrivé à l'UMP, dont j'ai alors été secrétaire général, ça se passait très bien avec Alain Juppé [qui en tenait les rênes à sa création en 2002 jusqu’en 2004, NDLR]. Mais il y a eu une droitisation progressive du parti. Aujourd'hui, quand les médias en parlent, c'est pour évoquer des objectifs d'expulsions d'immigrants illégaux. J'ai donc pris ma plume et écrit un texte très simple dans Le Monde, en disant "je me suis trompé". Je pensais depuis longtemps à l’écrire, j’en avais déjà parlé à François Bayrou il y a quatre ans.

LeJDD.fr - Auriez-vous aimé être au gouvernement en 2007 ?

PDB - Si on m'avait proposé, j'y serais allé. Certes depuis 2007, j’ai effectué en France une traversée du désert. Mais ce travail à l'ONU m'a permis de faire de la vraie politique, loin des enjeux politiciens.

LeJDD.fr - Pourquoi avoir choisi de revenir vers François Bayrou aujourd'hui ?

PDB - En 2007, j'ai arrêté la politique nationale en me tournant vers les Nations unies. Mais j'ai décidé d'y revenir car j'ai le désagréable sentiment d'avoir entraîné toute ma famille, centriste, dans un parti qui n'est pas le nôtre. J'en suis le seul responsable. C'est donc la moindre des choses d'appeler aujourd'hui tous les électeurs de notre sensibilité à voter pour François Bayrou. Par ailleurs, la vie politique française s'articule autour de la seule élection présidentielle. C'était donc le moment pour moi de reconnaître mes erreurs.

LeJDD.fr - François Bayrou a indiqué qu’il choisirait un camp en cas d’élimination au premier tour de la présidentielle. Lequel doit-il choisir ?

PDB - Toute la valeur de la candidature de François Bayrou est justement d’être arrivée à imposer l’idée que droite et gauche ne veulent pas dire grand-chose. Il faut trouver des gens de droite et de gauche qui cohabitent parfaitement. Quand on a un pays au bord de la faillite, ne peut-on pas avoir dans la même équipe des gens de très haut niveau, quel que soit leur camp ?

LeJDD.fr - Vous ne pensez donc pas que François Bayrou peut être éliminé au premier tour?

PDB - Non, je sens qu’il y a quelque chose de tout à fait nouveau qui est en train de se passer. Il est arrivé à incarner une indépendance par rapport au système classique. J’ai moi-même été dedans, je peux en parler. Mais à un moment, il faut un choc républicain.

LeJDD.fr - Quelles sont les différences entre sa candidature de 2007 et celle de 2012 ?

PDB - Il a une crédibilité beaucoup plus forte. François Bayrou a été le seul à dire en 2007 : "Attendez, on est en train de vivre à crédit". Il a fait du désendettement de l’État sa priorité. Il avait raison. Moi je ne pensais pas qu’un pays pouvait faire faillite. Je n’étais pas le seul. Par ailleurs, je crois que François Bayrou parle au peuple non pour être aimé mais pour lui dire la vérité. Je pense que les Français se rendent compte qu’il ne fait pas de "coups". Ils voient une sorte de sincérité chez lui.

LeJDD.fr - Quel rôle allez-vous jouer dans sa campagne ?

PDB - C’est lui qui fera sa campagne. Moi, je souhaite garder la présidence d’UNITAID [l'organe onusien qui permet l'achat de médicaments grâce à la taxe sur les billets d'avion, NDLR]. J’ai envie de rester sur les questions internationales. Je ne vais pas aller faire les débats télévisés, je n’en ai plus envie. Je vais simplement parler aux médias, chaque fois en donnant ma vérité.

LeJDD.fr - Pourquoi ne pas briguer un nouveau mandat en France ?

PDD - La vie politique est toujours ouverte, mais je fais cela car il y a une opportunité majeure pour le développement mondial : nous pouvons être le premier pays au monde à vouloir voter cette TTF ! C’est uniquement ce que j’attends de François Bayrou. Je ne lui ai absolument rien demandé d’autre.

Je reçois la lettre d'information du Mouvement Démocrate

Engagez-vous, soyez volontaires

A nos côtés, vous serez un acteur de nos combats pour les Français, pour la France et pour l'Europe.

Chaque engagement compte !

Votre adhésion / votre don

Valeur :

Coût réel :

20 €

6,80 €

50 €

17 €

100 €

34 €

Autres montants

Qu'est ce que la déclaration fiscale sur les dons ?
Filtrer par